dimanche 11 mars 2012

Histoire minière de l'Outaouais III

Suite de la «Partie II».

Carte modifiée de : Jacob et Ledoux (2003). Elle donne une bonne idée de l'étendue des affleurements du calcaire et de la dolomie ordoviciens ainsi que du grès cambro-ordovicien en Outaouais (bleu foncé).


LES CARRIÈRES (2012)
Les calcaires et dolomies* ordoviciens affleurent le long de la rivière des Outaouais, de Thurso à Fort-Coulonge et, en particulier, à Hull et Aylmer (aujourd'hui Gatineau). La région leur doit la «pierre grise» si caractéristique qui a servi à édifier murets, maisons, collèges, églises et bâtiments publics. Aujourd'hui, on en fait de la pierre concassée (quatre carrières à Gatineau).

* Calcaire magnésien.

Dès le XIXe siècle, on a exploité le grès cambro-ordovicien dans la région de Montebello et de Papineauville et le manoir Louis-Joseph Papineau a été construit avec cette pierre. Au lac Beauchamp, à Gatineau, comme il a été mentionné à la «Partie II», le grès, broyé sur place, a produit de la silice pour l'industrie du verre dans les années 1930 et 1940.

Le granit est exploité dans les Laurentides (Brownsburg) et près de Mont-Laurier (Guénette) depuis le début du XXe siècle. Le marbre dolomitique précambrien (distinct de la dolomie ordovicienne) de Portage-du-Fort a servi, au XIXe siècle, à répondre aux besoins locaux, de même que la pierre de petites carrières ailleurs dans l'Outaouais (voir carte). Des carrières sont actives à Labelle (gneiss) et à Mirabelle (granit).


ACTIVITÉ ACTUELLE
Texte original de 1998, mises à jour (2012) entre [crochets]. Cette méthode de révision peut manquer de subtilité, mais elle a l'avantage de donner une épaisseur temporelle à ce qui prétendait n'offrir à l'origine qu'un instantané.

L’industrie des mines et de l’extraction de la pierre, qui employait 700 salariés entre 1940 et 1950, s'efface au point de presque disparaitre durant les années 1970 en Outaouais. [En 2009, le secteurs des mines n'offrait du travail qu'à 76 personnes dans cette région. Les Laurentides s'en tirent mieux, pour la même année, avec 318 emplois (MRNF ; 2011).]

La mine Saint-Aimé-du-lac-des-Îles, l’une des seules mines de graphite en Amérique du Nord [et l'unique au Canada], ouverte en 1989 au sud de Mont-Laurier (Stratmin Graphite inc., [devenue Timcal Canada Inc. en 2002, emploie à elle seule 55 personnes (Marquis ; 2011)]. On y extrait le graphite contenu en paillettes dans du marbre.

La Golden Calumet Exploration a entrepris des forages sur le site de l'ancienne mine de zinc-plomb-argent-or New Calumet, dans l’île du Grand Calumet, qu'elle envisage de rouvrir pour ses réserves en or et en argent. [2012 : aucune suite appréciable, mais Nantel (2006) indique que le cas de cette mine est «à évaluer».]

Des gîtes et des indices de zinc et plomb ont justifié l'entreprise de travaux d’exploration dans la région de Gracefield-Maniwaki, de Mont-Laurier et de L’Ascension. La prospection du graphite se concentre dans la région de Hull-Buckingham [Gatineau aujourd'hui], de Mont-Laurier et de Lachute. Le potentiel d’anciennes mines est réévalué et de nouveaux indices de graphite ont été découverts (région de Buckingham, de Saint-Jovite et de Bouchette). On prospecte la wollastonite au nord de Hull [Gatineau], dans la région de Grenville, de Saint-Jovite et de Saint-Sauveur. Des gîtes de diopside, dans la région de l’île du Grand Calumet, de Wakefield et de Lost River, sont étudiés. [Tout ceci : aucune suite appréciable (2012).]

La région de l’ancienne mine Renzy de cuivre-nickel suscite un intérêt nouveau pour son potentiel en platine et en cobalt. Certains terrains considérés comme stériles du point de vue minier, en particulier un complexe gneissique dans la réserve faunique Papineau-Labelle, pourraient abriter des sulfures massifs (chalcopyrite) porteurs de cuivre. Leur contexte serait aussi favorable à la présence d’or. C’est là plusieurs régions jusqu’ici négligées qui s’offrent à la prospection. [2012 : aucune suite appréciable et, de toute façon, quelle est l'idée d'aller prospecter dans une réserve faunique ?]


 Nantel (2006) : l'uranium, claims et travaux, dans le Pontiac. À rapprocher de la carte de Lamothe (2009) placée dans le deuxième billet de cette série.


Des indices d’uranium, de thorium et de molybdène sont étudiés dans la région de Maniwaki - Grand-Remous et dans le Pontiac. Des indices de terres rares se trouvent dans la région de Maniwaki-Gracefield [ainsi qu'au nord de Gatineau (Stelmine Canada ltée)]. [2012 : aucune suite appréciable, mais la prospection de l'uranium rencontre de fortes oppositions de la part des populations locales. (Voir plus bas, texte et liens, ainsi que carte ci-haut.)]

[Nantel (2006) souligne le potentiel en uranium, molybdène, zinc, cuivre, nickel et en or du Pontiac.]

[2012 : Des microdiamants et des minéraux indicateurs de la présence de diamants ont été découverts dans les sédiments glaciaires près du lac Bryson, en 1992. Des recherches ont été entreprises afin de repérer une lamproïte, roche mafique potentiellement diamantifère. L'entreprise semble avoir été abandonnée, faute de résultats prometteurs.]


CONCLUSION GÉNÉRALE (2012)
En Outaouais, les activités d'exploration se concentrent sur la prospection du cuivre, du zinc et des terres rares.

Dans la région des Laurentides, l’exploration pour le cuivre-nickel et les terres rares se poursuit. Les recherches pour l’uranium et les minéralisations en fer-cuivre-or de type IOCG (Iron oxyde-Copper-Gold : voir Wikiki, comme d'habitude), qui ont eu cours ces dernières années, sont pratiquement abandonnées.

«[...] les dépenses d’exploration pour l’uranium sont passées [au Québec] de 1,4 M$ en 2004 à 48 M$ en 2009 [...] L’exploration pour certaines substances que le Québec ne produit pas à l’heure actuelle a aussi commencé à apparaître, particulièrement pour les éléments des terres rares (ÉTR) et le lithium. L’utilité de ces substances, notamment dans les produits de haute technologie et les piles rechargeables, jumelée à une demande croissante et à des craintes quant à l’approvisionnement, expliquent cet intérêt croissant.» (MRNF ; 2011)

Après avoir été à la fin du XIXe siècle la principale région minière au pays, l'Outaouais et les Laurentides, avec moins de 0,5 % des dépenses en travaux d’exploration et de mise en valeur au Québec en 2009, font figure de parents pauvres (MRNF ; 2011).

Est-ce si grave ?

Il n'est pas certain que tous s'accordent à présent pour considérer les gisements minéraux comme une richesse. L'exploitation minière amène avec elle son lot de problèmes environnementaux et la seule prospection rencontre souvent une farouche opposition de la part de la population qui a l'impression, pas si fausse que ça, que la loi, au Québec, favorise l'industrie au détriment du simple citoyen qui, à la limite, n'est propriétaire que de la couche de poussière superficielle sur son terrain, le sous-sol, bien de la Couronne, étant accessible à qui veut le «miner». (Voir par exemple ces sites Internet : lien et lien.) L'opposition se cristallise (sans jeu de mots) surtout autour du cas de l'uranium. La petite taille des gisements, leur faible teneur et leur dispersion cause problème : en compliquant la découverte de gîtes exploitables (du point de vue des compagnies minières), en éparpillant la prospection et l'éventuelle production sur un large territoire (du point de vue des habitants du dit territoire)...

MISE À JOUR (13 mars 2012)
Juste au moment où je termine ce billet, le nouveau rapport annuel sur les activités minières au Québec est publié.

En voici l'essentiel en deux extraits :

«Trois projets [...] de cartographie à l’échelle de 1/50 000 de dépôts quaternaires ciblent les régions de la Montérégie, de la Capitale-Nationale et de l’Outaouais.» (MRNF ; 2012, p. 24)

«En 2011, les travaux d’exploration pour le zinc se sont poursuivis dans la région de l’Outaouais et ceux pour le cuivre, le niobium ainsi que les éléments de terres rares, dans la région des Laurentides. Plusieurs projets ont été abandonnés ou suspendus à la suite de l’introduction dans le projet de loi no 14 de l’article 91 interdisant l’exploration minière sur les territoires affectés à la villégiature. D’autres projets sont à l’étape de consultation auprès des communautés autochtones, des municipalités ou des propriétaires fonciers. En fin d’année, quatre sociétés ont acquis plusieurs propriétés de graphite en Outaouais et dans les Laurentides. Le regain d’intérêt pour cette substance vient de ses nouvelles applications, notamment dans les domaines des piles (batteries au lithium-ion, piles à combustible), de l’énergie solaire et de l’énergie nucléaire. Le marché du graphite pour les usages traditionnels comme l’acier et l’industrie automobile est aussi en hausse. Cet intérêt explique en partie l’augmentation de 32 % du nombre de claims dans les Laurentides en 2011, comparativement aux données de 2010. Au total, 3976 claims étaient en vigueur en Outaouais en 2011, ce qui représente une augmentation de 49 % par rapport à 2010 [...]. Une partie des nouveaux claims ont été enregistrés pour l’exploration du cuivre, du nickel et des éléments de terres rares.» (MRNF ; 2012, p.39)



RÉFÉRENCES GÉNÉRALES
  • Avramtchev, L., 1992 – Carte minérale de la région de Montréal - Mont-Laurier. Québec, ministère de l'Énergie et des Ressources, PRO 90-05, carte (1/2 000 000).
  • Blanchard, R, 1949 – «Études canadiennes (Troisième série). III. Les pays de l'Ottawa.» Revue de géographie alpine, 1949, tome 37, n°2. p. 135-272. doi : 10.3406/rga.1949.5460
    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rga_0035-1121_1949_num_37_2_5460
  • Boivin, D., 1985 – Roches et minéraux du Québec – Guide d’excursions pour le collectionneur. Conseil de développement du loisir scientifique, Montréal, 142 p.
  • Collectif, 1938 – Le Nord de l’Outaouais. Le Droit, Ottawa, 396 p.
  • Direction de la géologie, ministère des Richesses naturelles du Québec, 1997 – Rapport sur les activités d’exploration minière au Québec. DV 98-01, 90 p.
  • Dresser, J.A., Denis, T.C., 1951 – Géologie du Québec, volume III – Géologie économique. Min. des Mines, Québec, RG-20, 641 p.
  • Fletcher, K., 1998 – Promenades historiques dans le Parc de la Gatineau. Trad. Renaud, A. et Charlebois-Renaud, M.-A., Chesley House Publications, Quyon (Québec), 148 p.
  • Fontanel, P., 1924 – Minéraux et roches du Canada. Imprimerie du Messager, Montréal, 430 p.
  • Girault, J., Ledoux, R., 1991 – Guide pratique d’identification des minéraux. Publications du Québec, 114 p.
  • Hébert, Y., 1988 – Inventaire des minéraux industriels de la région de Wakefield. MÉRQ, DP 87-21, 47 p., avec une carte au 1:50 000.
  • Hogarth, D.D., 1962 – «A guide to the geology of the Gatineau-Lièvre district.» The Can. Field-Nat., v. 76, no 1, 55 p.
  • Hogarth D.D., Moore J.M., dans : Baird D.M. (compil. et édit.), 1972 — Géologie de la région de la Capitale nationale. Commision géologique du Canada, livret guide bilingue, 24e congr. géol. 
  • Hogarth, D.D., 1975 – Pioneer mines of the Gatineau region, Quebec. Town Beavers, Publishers Reg’d, 44 p.
  • Hogarth, D.D., 1998 – «Stanislas Franchot and his Buckingham Mines.» Up the Gatineau!, vol. 24, p. 16-23.
  • Jacob, H.-L., Ledoux, R., 2003 – Les pierres à bâtir dans les constructions anciennes au Québec. Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des parcs, GT 2003-01, 18 p.
  • Jacob, H.-L., Nantel, S., 1990 – «L’exploration et la mise en valeur des minéraux industriles dans la Province de Grenville, Québec, dans les années 80.» CIMB, vol. 83, no 934, février 1990, p. 84-91.
  • Lamothe, D., 2009 – Uranium dans l'environnement secondaire et minéralisations uranifères. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, carte (1/2 000 000).
  • Landry, B., Mercier, M., 1992 – Notions de géologie avec exemples du Québec. Modulo Éditeur, 3e éd., Montréal.
  • MRNF, R., dir., Rapport sur les activités minières au Québec : 2010. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, DV 2011-01.
  • MRNF, R., dir., Rapport sur les activités minières au Québec : 2011. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, DV 2011-02. 
  • Nantel, S. (dir.), Madore, L.., Lamothe, D., 2006 – Activités d’exploration, gîtes minéraux et potentiel minéral - MRC de Pontiac. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune (diaporama téléchargé).
  • Sabina, A.P., 1986 – Roches et minéraux du collectionneur, Buckingham - Mont- Laurier-Grenville, Québec ; Hawkesbury-Ottawa, Ontario. CGC, rapp. div. 33, 96 p.
  • Sabina, A.P., 1987 – Roches et minéraux du collectionneur; Hull-Maniwaki, Québec ; Ottawa-Peterborough, Ontario. CGC, rapp. div. 41, 187 p.
  • Tremblay, P., Corriveau, L., Daignault, R.-A., 1996 – Si la Terre m’était contée ; géologie de la réserve faunique de Papineau-Labelle. INRS-Géoressources, 64 p.
  • Van Velthuizen, J., 1998 – The Gow (Blackburn Mine, Cantley, Québec). Gratitude Press Canada, 214 p., reliure spirale. 

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