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mardi 8 mars 2016

Érosion post-glaciaire en Outaouais


La vallée encaissée* post-glaciaire de l'Outaouais au début de l'Holocène, il y a environ 10 000, après le départ des eaux de la mer de Champlain, comparée à celles de fleuves contemporains. Tiré de Cummings et Russell, 2007.
* Incised valley dans le texte original : vallée encaissée. Voir Linguee : 


Résumé

Questions sur l'importance de l'érosion fluviatile post-glaciaire dans l'Outaouais.

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Jusqu'à quel point le socle rocheux de la région a-t-il été modifié par l'érosion depuis la fin des glaciations ? Je ne parle pas des terrasses découpées dans l'argile marine par la rivière après le départ des eaux de la mer de Champlain (env. 10 000 ans), mais des effets qu'a pu avoir la rivière sur ses berges et son lit rocheux.

Les renseignements à ce sujet sont à la fois rarissimes, partiels ou très vagues. Et datés. (Le gras, dans les passages qui suivent, est de moi.)


«The exposed Palæozoic rocks and the unconsolidated glacial and marine sediments have been considerably modified by more recent erosion* along Ottawa and St. Lawrence Rivers and their long, winding tributaries (Wilson, 1946, p. 32).» * «More recent» : depuis le départ de la mer de Champlain.


«The principal fall in the Ottawa river occurs at Chaudiere falls at Ottawa where the water falls over a low escarpment of Trenton limestone. A series of narrow gorge-like channels below the falls, the largest one being occupied by the main volume of the river, shows the distance the falls have receded in post-Glacial time. The total distance is only about one-quarter mile [400 m]. The maintenance of the falls is owing to the well jointed character of the rocks which permits large masses to be separated by widening of the joints and finally to be worn away, leaving a still nearly vertical front over which the water falls. The general uniformity of hardness of the beds, however, has prevented a rapid recession of the falls (Johnston, 1917 ; p. 8-9).»


«In post-glacial time it is probable that the Ottawa river has cleaned out and somewhat deepened the old valley in the vicinity of Ottawa, and the steepwalled gorge which extends for a short distance below the Chaudière falls is evidently due to post-glacial erosion (Goldthwait et al., 1913 ; p. 133).»

On sait qu'après le départ des glaces et celui des eaux de la mer de Champlain, l'Outaouais a dû effectuer le dur travail de tracer faire son lit dans le manteau d'argile laissé par ladite mer. Cependant, la rivière d'il y a 10 000 ans était beaucoup plus considérable que l'actuel cours d'eau et son pouvoir érosif en était augmenté d’autant. Les eaux des Grands Lacs, grossies par celles du lac glaciaire Agassiz (Manitoba et Ontario), se dévidaient dans la rivière des Outaouais par le chenal du lac Nipissing tandis que celles du lac Barlow-Ojibway (nord de l’Ontario et du Québec) s'écoulaient directement dans la rivière. Le débit atteint était celui d'un grand fleuve : 200 fois celui de l’Outaouais actuel, vingt fois celui du Saint-Laurent en aval de Montréal (Gilbert, 1994) ! Le débit a atteint des pointes de 200 000 m3/sec. au début de l'Holocène, contre 2000 aujourd'hui (Lewis et Anderson, 1989, cités par Cummings et Russell, 2007). D'autres estimations portent ces valeurs à 800 000 m3/sec., 400 fois le débit de l'Outaouais actuelle (Cummings et Russell ; 2007 : voir leur fig. 24 au début du billet) !

J'aimerais bien avoir une bonne idée du pouvoir érosif de cette méga-Outaouais (400 fois !...) sur le socle rocheux*. Vous aurez beau chercher, vous ne trouverez rien !

Or, les pouvoir érosifs d'un cours d'eau torrentiel peuvent être considérables. Témoin cet article (résumé plus bas) sur le torrent né du débordement du réservoir du lac Canyon au Texas. Si le torrent a persisté 6 semaines, 3 jours lui ont suffi pour excaver un couloir profond de 7 m et long de 2,2 km dans le calcaire. La force du courant a mis en mouvement des blocs d'un mètre de diamètre. Le pouvoir érosif du torrent était en fonction de la quantité de sédiments que les flots pouvaient transporter.

Je ne prétends pas que la rivière a fait reculer les chutes des Chaudières de 400 m en 3 jours (Johnston, 1917, cité plus haut). Ni en quarante. Le pouvoir érosif de l'Outaouais a cependant déjà été beaucoup plus grand que celui d'aujourd'hui.

D'où ma perplexité et d'où la question que je repose : quels traits du paysage actuel doit-on à l'érosion post-Champlain ? Jusqu'à quel point le socle rocheux a-t-il été «profondément modifié» par l'érosion fluviatile récente (Wilson, 1946, passage cité plus haut) ?

J'aimerais le savoir. Vous pouvez m'envoyer vos réponses.

L'article

Michael P. Lamb & Mark A. Fonstad, «Rapid formation of a modern bedrock canyon by a single flood event», Nature Geoscience 3, 477 - 481 (2010)

doi:10.1038/ngeo894
http://www.nature.com/ngeo/journal/v3/n7/abs/ngeo894.html

Abstract*

«Deep river canyons are thought to form slowly over geological time [...], cut by moderate flows that reoccur every few years. In contrast, some of the most spectacular canyons on Earth and Mars were probably carved rapidly during ancient megaflood events. Quantification of the flood discharge, duration and erosion mechanics that operated during such events is hampered because we lack modern analogues. Canyon Lake Gorge, Texas, was carved in 2002 during a single catastrophic flood. The event offers a rare opportunity to analyse canyon formation and test palaeo-hydraulic-reconstruction techniques under known topographic and hydraulic conditions. Here we use digital topographic models and visible/near-infrared aerial images from before and after the flood, discharge measured during the event, field measurements and sediment-transport modelling to show that the flood moved metre-sized boulders, excavated ~7?m of limestone and transformed a soil-mantled valley into a bedrock canyon in just ~3?days. We find that canyon morphology is strongly dependent on rock type: plucking of limestone blocks produced waterfalls, inner channels and bedrock strath terraces, whereas abrasion of cemented alluvium sculpted walls, plunge pools and streamlined islands. Canyon formation was so rapid that erosion might have been limited by the ability of the flow to transport sediment. We suggest that our results might improve hydraulic reconstructions of similar megafloods on Earth and Mars.» * J'ai retiré les appels de notes.


Voir aussi ces deux articles dans ScienceDaily :

«Canyon carved in just three days in Texas flood: Insight into ancient flood events on Earth and Mars»

http://www.sciencedaily.com/releases/2010/06/100620155748.htm
«In the summer of 2002, a week of heavy rains in Central Texas caused Canyon Lake -- the reservoir of the Canyon Dam -- to flood over its spillway and down the Guadalupe River Valley in a planned diversion to save the dam from catastrophic failure. The flood excavated a 2.2-kilometer-long, 7-meter-deep canyon in the bedrock. According to a new analysis, that canyon formed in just three days.»

«Floods created home of Europe's biggest waterfall»

http://www.sciencedaily.com/releases/2015/02/150209161429.htm
«A massive canyon that is home to Europe's most powerful waterfall was created in a matter of days by extreme flooding, new research reveals.»

Ajout (8 mars 2016)

Andy Coghlan, «Vanishing river gorge shows geology in fast forward», New Scientist, 17 August 2014

https://www.newscientist.com/article/dn26065-vanishing-river-gorge-shows-geology-in-fast-forward/

 

 

Références

  • Cummings, D. I. and Russell, H. A. J., 2007 — The Vars–Winchester esker aquifer, South Nation River watershed, Ontario, CANQUA Fieldtrip Guidebook, June 6th, 2007; Geological Survey of Canada, Open File 5624, 68 p, with contributions from Sam Alpay, Anne-Marie Chapman, Coralie Charland, George Gorrell, Marc J. Hinton, Tessa Di Iorio, André Pugin, Susan Pullan, and David R. Sharpe.
  • Gilbert, Robert (compil.), 1994 – Guide d'excursions dans le paysage glaciaire et postglaciaire du sud-est de l'Ontario et d'une partie du Québec, Commission géologique du Canada, Bulletin 453, 1994; 86 pages.
  • J.W. Goldthwait, J. Keele and W.A. Johnston, 1913 – «Excursion A10. Pleistocene : Montreal, Covey Hill and Ottawa», in : Geological Survey, Guide book no.3, Excursions in the neighbourhood of Montreal and Ottawa (excursions A6, A7, A8, A10, A11), Ottawa : Government Printing Bureau, 1913, 162 p. (with maps).
  • W.A. Johnston, 1917 – Pleistocene and Recent Deposits in the Vicinity of Ottawa, With a Description of the Soils. Commission géologique du Canada, Mémoires 101, 69 p., avec carte 1662 (1/63 360).
  • Richard, S H, 1982 – Surficial geology, Ottawa, Ontario-Québec / Géologie de surface, Ottawa, Ontario-Québec. Commission géologique du Canada, Cartes série «A» 1506A, 1 feuille. [1/50 000] 
  • Wilson A.E., 1946 – Geology of the Ottawa-St. Lawrence Lowland, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada (CGC), Mémoire 241, 66 p. (+ cartes).


Carte des dépôts superficiels (Richard, 1982).
Légende très simplifiée, du plus ancien au plus récent : les roses : socle rocheux ; vert clair : till glaciaire ; brun-orangé : dépôts d'eau de fonte glaciaires ; les bleus : sédiments de la mer de Champlain* ; orangé : sédiments deltaïques et estuairiens de la mer de Champlain : les jaunes : alluvions récents.
* En particulier, le bleu moyen le long de la rivière : chenaux du proto-Outaouais dans l'argile marine, dénudant le till glaciaire et le socle rocheux. Ce bleu donne la largeur de l'ancienne rivière après le départ des eaux de la mer de Champlain.


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