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mercredi 28 janvier 2015

La Grande Caverne aux Chaudières


Carte modifiée de © Google. À gauche, barrage et chute de la Grande Chaudière sur l'Outaouais, à Hull (Gatineau, Québec). GC* : position approximative de la grande caverne (lire texte qui suit). Cette position est donnée d'après un Rapport de la CSST (2002 ; Annexe 1, plan no 1). L'orientation et la situation de la caverne la place dans le prolongement d'une longue faille NNW qui coupe la plate-forme calcaire immédiatement au sud. J'avais déjà remarqué cette faille qui semble liée au tronçon sud du ruisseau de la Brasserie (voir mon billet du 1er mars 2014). Le Trou-du-Diable, tout près de la grande caverne, se trouve sur la même plate-forme calcaire que celle-ci.


Est-ce une sorte d'aboutissement, la fin ou le nouveau départ d'une longue saga ? La lumière au bout de la caverne ? Depuis deux ans, accordant créance à des textes remontant au début du XIXe siècle, je cherche des preuves de l'existence de cavernes ou de passages sous les chutes des Chaudières, à Gatineau, dans le socle calcaire de la rivière des Outaouais, au lieu dit le Trou-du-Diable. À ceux qui s'étonneraient : il existe un réseau de cavernes long de plusieurs km sous la rivière, bien documenté et bien cartographié, à Pembroke (cf. billet du 15 janv. 2013).

Voir mon billet du 30 déc. 2014 consacré au même sujet avec les réponses d'Hydro-Québec, propriétaire de la centrale Hull-2 (voir photo satellite Google), à ma demande d'information à propos de ces insaisissables cavernes et passages. Résumons les dires d'Hydro-Québec : ils ne savent rien et n'ont aucune documentation à ce propos...

Or...,

 ... or, il existe bel et bien des failles et des cavernes aux Chaudières. C'est connu, su et documenté, malgré ce que laisse entendre Hydro-Québec. Si je peux être si péremptoire, c'est grâce à un rapport public de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). Merci à Jean-Louis Courteau qui m'a révélé son existence.

Même si ce qui est décrit dans le rapport de la CSST concerne la centrale Hull-2, plus de cent m au sud du Trou-du-Diable, il n'en reste pas moins que la possibilité de cavernes et de conduits sous l'eau à travers le socle calcaire sous les chutes des Chaudières (et ailleurs dans la rivière) ne peut plus être niée. Et que les rapports géologiques qui les décrivent existent aussi (et pas d'hier), contrairement à ce qu'assurait Hydro-Québec...


Extrait du rapport de la CSST (2002 ; p. 16-17) (le gras est de moi) :

«En référence aux informations provenant des documents d'Hydro-Québec [...], la nature de la fondation du bassin en bief d'amont de la centrale Hull 2 peut se résumer comme suit :

En terme géologique, la fondation d'amont est composée principalement de formations de calcaire sédimentaire à stratification horizontale. Les lits de calcaire sont d'épaisseur variant de quelques centimètres à quelques décimètres et sont intercalés et alternés par de minces couches (< 1 cm) feuilletées de schiste [sic : shale] friable. Le calcaire est traversé et entrecoupé assez régulièrement par des joints et des structures tectoniques sub-verticaux de grande portée (en surface comme en profondeur).

Tout comme dans d'autres secteurs de la Rivière des Outaouais, il existe au site Hull 2 un réseau d'intercommunication et d'écoulement souterrain assez développé à travers les grandes et les petites fractures et cavernes ouvertes dans le roc. On signale notamment la présence :

– d'une caverne principale dont l'entrée d'environ 2 m de large, se trouve approximativement au milieu du bassin. Cette caverne est accompagnée d'un réseau de petites cavernes situées sous le barrage ;
– d'un réseau de petites fractures et de petites cavernes inter-communicantes localisées directement en amont de la prise d'eau du pilier no 4 et du déversoir auxiliaire.

Le phénomène de la formation des cavernes et de leur agrandissement progressif est principalement dû aux actions répétitives des rivières souterraines. Ces actions sont de double nature : chimique telle que la dissolution du calcaire lui-même, et mécanique comme l'érosion, le fractionnement et l'effritement progressifs, ce qui conduit au relief et à la géomorphologie décrits ci-haut.»


Éléments de l'Annexe 1 (Rapport géologique)

On précise dans l'Annexe 1 que les directions des joints sub-verticaux qui découpent le calcaire sont N 65° à 75° W et N 40° E, le second étant moins développé. L'entrée de la «caverne principale» est «une fosse béante d'environ 5' de large x 65' de long x 25' de haut». [1,5 m x 20 m x 8 m.] «De toute évidence, cette caverne se prolonge au-delà du barrage déversoir selon une orientation N 20° O, plus ou moins.» (Voir, pour la direction des joints, le billet du 1er janv. 2013.)

Références

CSST, Rapport d'enquête d'accident : accident mortel survenu à une scaphandrière le 30 novembre 2000 au barrage de la centrale Hull 2 d'Hydro-Québec à Hull, no CAEQ 4911, cote EN-003323, 2002
Le rapport et les annexes sont disponibles en ligne :
http://centredoc.csst.qc.ca/pdf/ed003323.pdf
http://centredoc.csst.qc.ca/pdf/ad003323.pdf

Annexe 1 : extraits de Division Géomécanique, Géologie et Géotechnique, [Hydro-Québec], Rapport géologique et géotechnique de fin des travaux de réfection : année 1978, décembre 1978 (noms des auteurs biffés).


Enfin, précisons que la rédaction du rapport de la CSST découle du décès à la centrale Hull-2, le 30 novembre 2000, d'une plongeuse qui avait été happée lors d'une plongée d'inspection commandée par Hydro-Québec par le courant qui s'engouffrait dans la «grande caverne». La plongeuse était demeurée coincée au fond de la rivière près de la structure du barrage sans pouvoir s'extirper de la bouche de la caverne. Lire le rapport pour plus de détails.

4 commentaires:

  1. Pas fort Hydro-Québec. A moins qu'il y ait eu un volonté de cacher l'accident ? Pourquoi nier l'existence de ces cavernes ?

    Question : est-ce que les projets de constructions de WindMill seront affectés par ces couloirs souterrains ?

    En tout cas, bravo pour ton blogue et ta perspicacité !

    J Yelle

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    1. Plutôt bravo pour la perspicacité de celui qui m'a transmis le rapport de la CSST !...

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  2. Ben ça alors. J'avoue que j'en doutais un peu, moi, de ta grotte…mea culpa et bravo pour ta ténacité. J'ai hâte de lire la suite.

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    1. Merci. Mais je n'ai pas d'information directes sur le Trou-du-Diable, seulement un rapport géologique qui fait état d'un réseau de conduits et de vides dans le socle rocheux immédiatement sous les chutes des Chaudières. J'aimerais savoir jusqu'où il s'étend, ce réseau, et jusqu'à quel point il est exceptionnel. Il y a bien les cavernes de Pembroke, 10 km de couloirs sous la rivière, qui constituent un précédent.

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