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mercredi 19 novembre 2014

Les chemins des erratiques (Ajouts)



Fig. 1. Blocs erratiques dans le parc Fontaine, Île-de-Hull, Gatineau (Québec) : point 2 sur la carte de la fig. 2. À l'avant-plan, un bloc du grès de Nepean – roche qui n'affleure pas au nord du Hull. Photo 15 nov. 2014.


Billet accidentellement mis en ligne avant d'être achevé. Je me suis contenté des retouches nécessaires à un minimum de cohérence. Voir la suite, billet du 10 janvier 2015.


Résumé

Blocs erratiques de grès dont le lieu de provenance repose sous un manteau d'argile marine (mer de Champlain)
Localisation
Île-de-Hull, à Gatineau (Québec)
45.430628, -75.715745
Billets connexes
8 nov. 2014, «Question aux pierres qui roulent»
15 juin 2014, «Erratique à rebours ?»
15 mars 2014, «Grès, gel et dégel»
Ajouts
16 févr. 2015, «Lambeaux de grès de Nepean à Gatineau»
10 janv. 2015, «Décompte des blocs de grès dans l'Île-de-Hull»


Pourquoi s'émouvoir de la présence de blocs erratiques provenant du grès de Nepean dans l'Île-de-Hull (Gatineau, secteur Hull) ? Parce que les affleurements les plus près de cette roche se trouvent à l'est (Gatineau, secteur Gatineau (lac Beauchamp*, parc de l'Oasis**) et au sud-ouest, à Nepean et Kanata (Ottawa), et que les glaciers, qui sont descendus du nord et du nord-ouest, ont été dans l'impossibilité de les transporter depuis ces endroits jusque dans l'Île-de-Hull.

* Lac Beauchamp
23 janv. 2011, «Lac Beauchamp : un milliard d'années...»
** Parc de l'Oasis
5 oct. 2013, «Grès de Nepean à Gatineau : safari-photo»
14 sept. 2013, «Grès de Nepean à Gatineau»

Le mot «affleurement» a été utilisé, et c'est à dessein. Le grès existe aussi au nord de Hull (fig. 2). Les glaciers ont donc pu en arracher des fragments qu'ils auraient abandonnés ensuite plus au sud (il doit en exister aussi de l'autre côté de la rivière, à Ottawa). Cependant, un épais tapis d'argile, souvenir de la mer de Champlain, occulte le banc de grès au nord de Hull. Le grès existe, mais il n'affleure pas. D'où l'absence du grès dans le paysage hullois. D'où, également, la surprise de celui qui, voyant ces blocs dans l'Île-de-Hull, habitué qu'il est à ne pas associer le grès au secteur qu'il habite, reste un instant interloqué devant l'énigme que pose leur présence dans son quartier.

Pourtant, il n'y a pas lieu de se creuser outre mesure les méninges. Les glaciers sont venus, ont arrachés et entraînés au sud des blocs du grès de Nepean, la mer de Champlain est venue ensuite recouvrir de son épais manteau d'argile les affleurements sources pour que, quelques 10 000 ans plus tard, un billet de ce blogue leur soit consacré.

Les cartes ne signalent à ma connaissance qu'un seul affleurement de grès de Nepean au nord de Hull, dans le lit d'un ruisseau qui a érodé la couche d'argile jusqu'au socle rocheux. J'en parle dans le billet du 15 juin 2014 (lien plus haut). La carte de Sandford et Arnott (2010) que j'ai utilisée ici (fig. 2) montre au nord de Gatineau (incluant Hull) deux bandes exagérément continues et régulières de grès de Nepean. Les «?» que j'ai ajoutés à la carte visent des endroits où, selon les travaux récents ou anciens, aucun grès de Nepean n'affleure – à la place, on trouve de l'argile ou des roches métamorphiques et plutoniques du Bouclier canadien. Sandford et Arnott me semblent avoir amplifié et schématisé l'importance du grès de Nepean.

Mais bref, tout est normal. Le grès de Nepean existe au nord de Hull – non pas affleurant, mais caché sous un manteau de glaise ou éparpillé en blocs et galets erratiques à travers la ville.



Fig. 2. Détail modifié de la carte de Sandford et Arnott, 2010.
Légende très simplifiée
Précambrien ; province de Grenville du Bouclier canadien, plus d'un milliard d'années
  • Blanc : roches métamorphiques et plutoniques. 
Plate-forme du Saint-Laurent ; Cambro-ordovicien et Ordovicien, ca 515-445 millions d'années
  • Jaune : grès de Nepean. Orangé, teintes de bleu et de gris: calcaire, dolomie, grès et shales.
Lignes noires : failles.
Annotations (H. Lessard, 15 nov. 2014)
Flèches noires : exemples de trajectoires possibles des glaciers (NW-SE ou N-S). Lignes tiretées bleues et Q : Quaternaire, épais dépôts d'argile de la mer de Champlain masquant le socle rocheux. G : rivière Gatineau. O : rivière des Outaouais. 1. Affleurement de gneiss signalé par Hogarth (1970) ; 2. bloc erratique de grès (billet du 15 juin 2014*) ; 3. Source possible du bloc du point 4 (Île-de-Hull) en supposant un mouvement des glaces plein sud ; 4. Blocs erratiques de grès de l'Île-de-Hull (fig. 1 et 3, billets des 15 mars et 8 nov. 2014*) ; 5. Parc de l'Oasis (billet du 14 sept.*) ; 6. Lac Beauchamp (billet du 23 janv. 2011*). ? : endroits où ne se trouve pas de grès de Nepean, contrairement à ce que montre la carte (voir texte).
Remarques. – Plusieurs blocs de grès sont visibles dans l'Île-de-Hull (autres billets*) ; par commodité, ils sont tous représentés par le point 4 sur la carte, l'échelle rendant inutile un surcroît de précision.
Les flèches qui partent des points 1 et 3 ne dessinent que quelques trajets possibles parmi tous ceux qui, venant du nord ou du N-W, ont pu aboutir aux points 2 et 4. Les erratiques de l'Île-de-Hull et du parc de la Gatineau ont pu provenir d'autres sites que ceux-là.
Strictement parlant, la direction N-S (flèche entre les points 3 et 4) n'a été enregistrée que dans la partie est du secteur représenté ici. J'extrapole peut-être un peu en supposant ce mouvement possible à partir du point 3. Les erratiques du point 4 proviendraient plus probablement des alentours du point 1 (mouvement vers NW-SE).
* Liens plus haut, au début du billet.


Références

  • Hogarth, D.D., 1970, Geology of the southern part of Gatineau Park, National Capital Region, GSC, Paper 70-20, 8 p., map 7-1970.
  • Sanford, B.V. et Arnott, R.W.C., Stratigraphic and structural framework of the Potsdam Group in eastern Ontario, western Quebec, and northern New York State, Commission géologique du Canada, Bulletin 597, 2010, 83 p. (+ cartes)


Ajout (22 nov. 2014)

Il y a un second bloc de grès dans le groupe de blocs du parc Fontaine. Je ne l'avais pas remarqué lors de mon premier passage. Tous ces blocs ont sans doute été déplacés lors de l'aménagement du parc. Il ne faut pas supposer qu'ils sont exactement à l'endroit où les glaciers les ont déposé.
Le till glaciaire de la moitié nord de l'Île-de-Hull ne contient, en fait de galets et blocs, que du calcaire, à l'exclusion, semble-t-il, de tout autre type de roche. Cette affirmation ne prétend à aucune rigueur scientifique, d'autant plus que mon intérêt pour la question est tout nouveau. Le grès est rarissime, les gneiss et granites semblent surtout des roches décoratives qu'on ne s'est pas donné la peine d'éliminer des pelouses ou des parcs. Il faudrait des observations systématiques pour commencer à être affirmatif.

Ajout (13 janv. 2015)

Dans bien des cas de figure, le retour aux sources est une solution. J'ai donc pensé, un peu tardivement, à consulter des textes anciens sur les dépôts glaciaires de l'Île-de-Hull. Je n'y ai récolté que des indices par défaut, par absence de mention sur ce qui m'intéressais (le grès), ce qui est quand même un résultat.

Wilson (1898) décrit des moraines qui traversaient l'Île-de-Hull de l'ouest vers l'est à partir du ruisseau de la Brasserie, à peu près à la hauteur de l'actuel boul. des Allumettières. (J'en ai parlé dans un billet daté du 23 juillet 2013.) On y trouvaient des blocs tabulaires de calcaire ainsi que des «Laurentian Boulders» provenant du Bouclier canadien : granite et gneiss. Du grès de Nepean, aucune mention.

Johnston (1917) note que les sédiments glaciaires sont un reflet du socle sous-jacent et qu'à 5 milles (8 km) au du Bouclier canadien, les blocs de granite et de gneiss se raréfient. Aucun mot sur des blocs de grès dans l'Île-de-Hull – aucun mot sur leur absence non plus !

Tout ça mis ensemble aide à comprendre pourquoi on ne voit pratiquement, dans l'Île-de-Hull (bâtie sur un socle calcaire, rappelons-le) que des blocs de calcaire, quelques blocs de granite ou de gneiss et de rares blocs de grès. Le centre de l'Île est à 7 km au sud du Bouclier canadien et à une distance de 6 km de la ceinture de grès de Nepean. Rapprochons ces chiffres de celui fourni par Johnston (8 km) ; la relative rareté ou l'absence de blocs provenant du Bouclier ou de la bande de grès dans l'Île s'explique. Pensons aussi que le Bouclier est très vaste et qu'il a pu, les glaciers aidant, déverser dans l'Île beaucoup plus de blocs que la mince bande de grès que je soupçonne Sandford et Arnott (2010) d'avoir exagérée.
 

Références
W.A. Johnston, Pleistocene and Recent Deposits in the Vicinity of Ottawa, With a Description of the Soils. Commission géologique du Canada, Mémoires 101, 69 pages, 1917, avec carte 1662 (1/63 360).
Wilson W.J., «Notes on the Pleistocene Geology of a Few Places in the Ottawa Valley», The Ottawa Naturalist, vol. XI, March 1898, no. 12, p. 209-220.



Fig. 3. Gros plan sur le bloc de grès de la fig. 1. En plein novembre, la couleur chaude du sable... On dirait qu'on s'en est découpé un morceau, à droite. Photo 15 nov. 2014.

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