Pages

samedi 19 avril 2014

Côté botanique de la question (Ajout : les réponses)


Fig. 1. L'île Hull, entre Gatineau et Ottawa, 24 août 2013. Quel est l'arbre qui y pousse ?


J'aimerais emprunter à mes innombrables lecteurs (innombrés serait plus juste, je ne les ai jamais comptés) quelques parcelles de leurs lumières.

Au milieu de l'Outaouais, entre Ottawa et Gatineau, se trouve l'île Hull (à ne pas confondre avec l'Île-de-Hull, ou Vieux-Hull, quartier de l'actuelle ville de Gatineau), plate plate-forme de calcaire que les cartes laissent le plus souvent anonyme. Au XIXe s., elle portait parfois le nom de Lone Pine Island (fig. 5). À juger d'après certaines gravures ou peintures de l'époque, le nom de Two Pines Island lui aurait aussi convenu (fig. 6) – de nos jours, l'île aux Mouettes lui siérait bien, mais,dans la mesure où toutes les îles du secteur pourraient le porter, ce toponyme ne serait pas très distinctif.

L'île disparaît pratiquement au printemps, à la crue des eaux (fig. 2), et s'élargit à mesure que le niveau de la rivière baisse.

Les plus anciennes cartes (1831, fig. 7) montrent une plate-forme rocheuse désolée très semblable à l'île d'aujourd'hui. Toutefois, ce point reste à confirmer.

Depuis 2002 pour le moins, un arbre pousse sur l'île. Je devine qu'il s'agit d'une espèce pouvant s'accommoder de l'absence de sol et dont les racines peuvent supporter d'être plongées dans l'eau chaque crue printannière.

Ma première question est : de quelle espèce d'arbre s'agit-il (fig. 1-4) ?

Dans quelle mesure la présence de cet arbre implique-t-elle un changement par rapport à la situation au XIXe s. ? Autrement dit, (deuxième question) les pins pourraient-ils pousser sur l'île telle qu'elle est de nos jours (pas de sol, inondation printanière) ? Si la réponse est négative (voici qu'une troisième question est engendrée), quelles sortes de conditions devaient prévaloir autrefois pour que les pins croissent dans l'île ?

Je vous saurai gré d'une reconnaissance durable (les reconnaissances éternelles sont hors de portée d'un humain) pour vos réponses. Je travaille à un projet et il m'importe d'éclaircir la question de cette île.


 Fig. 2. L'île Hull vue sous la Cour suprême. 4 mai 2013.


 Fig. 3. Même point de vue depuis la rive québécoise, 20 juillet 2013.


Fig. 4. Détail de la photo précédente.


Fig. 5. L'île (à droite) a porté aussi le nom de Lone Pine Island. Lithographie de Hunter, 1855. Titre original : View from Barrack Hill: Ottawa City, Canada. Saisie d'écran à partir de Google Books.



Fig. 6. Et pourquoi pas Two Pines Island ? L'île est au milieu de la rivière, à droite. Ottawa (Byrown) avant le Parlement : Edmund Willoughby Sewell (1800-1890), (titre original :) View of Barrack Hill and the Ottawa River at Bytown (Ottawa), ca. 1843-1859, huile sur toile. Bibliothèque et Archives Canada, C-011047, no MIKAN 2837003


Fig. 7. L'île Hull en 1831. Attention, le nord est en bas ! D'après cette ancienne carte, elle était encore plus désolée en 1831 qu'elle ne l'est de nos jours. Mais le document est sujet à interprétation. John Burrows, titre original : Upper and Lower Bytown, showing Lots and Streets (détail), 1831, Bibliothèque et Archives Canada, CARTO12353, No MIKAN 4135481.


Ajout (21 avril 2014)

Du savoir et de l'amabilité de mes lectrices-lecteurs, j'ai pu tirer les renseignements suivants* :

(Mais d'abord, une mise au point : les photos de l'île Hull dans le billet sont des vues de la partie ouest de l'île (fig. 1-3). Quand le niveau de l'eau atteint un certain point, la dépression qui coupe l'île par son milieu est envahie par l'eau et on se retrouve avec une île double. Au plus fort des crues, seul le sommet de la partie ouest émerge, et encore (fig. 2)).

  • L'arbre que je cherchais à identifier (fig. 1-3) serait un saule, personne ne l'affirme de façon péremptoire, mais tous le suggère spontanément ;
  • Je croyais que tous les saules pleuraient ; celui de l'île est sans doute un saule macho qui retient ses larmes. Un dur, quoi, même si, de nature flexible, les saules résistent de ce fait aux passages des glaces lors des crues. Arbres à croissance rapide, les saules peuvent s'accommoder d'un sol rocheux et ils ne craignent pas les inondations périodiques ;
  • Le pin solitaire ou doublé qui occupait l'île autrefois (fig. 5-6) serait un échantillon du pin local, le pin blanc, variété ou espèce aimant les sols humides. Par contre, s’ils s’accommodent d’un sol peu profond et peuvent aussi pousser dans le roc, les pins (blancs ou autres) ne supportent pas les inondations périodiques ;
  • On en conclut que l'île Hull était autrefois épargnée par les crues printanières. Le niveau de la rivière devait être plus bas au XIXe s. ;
  • On a aussi émis l'hypothèse que les pins aient en réalité été des représentants du thuya occidental, indicateur de sous-sol calcaire ordovicien (ce qui est le cas de l'île Hull), moins vulnérable aux effets des inondations. Je n'ose rien affirmer ;
  • Les reproductions de Hunter et Sewell (fig. 5-6)  montrent une île étroite et fuselée. Même si la dépression qui la coupe encore aujourd'hui est bien reproduite sur la lithographie de Hunter (fig. 5), son île et celle de Sewell, surtout, très haute et aux berges «en escaliers», ne ressemblent pas à la plate-forme qu'elle est au moins depuis 1860, à en juger d'après d'autres images (fig. 8) ;
  • Ma conclusion sera donc une question : l'île Hull a-t-elle été arasée ou aplatie au vers 1860, la rendant plus vulnérable aux crues printanières, ce qui aurait amené la fin du règne du pin blanc à sa surface ?

* Je les remercie infiniment !

Voir le billet du 25 juillet 2014.


Fig. 8 (ajout 21 avril 2014). – L'île Hull, beaucoup plus plate que dans les reproductions de Hunter et Sewell (fig. 5 et 6). William Notman, Rivière des Outaouais depuis Barrack Hill (future Colline du Parlement), ca 1860. Sels d'argent sur papier monté sur carton - papier albuminé, 7,3 x 7 cm. Don de James Geoffrey Notman, N-0000.193.282.1, © Musée McCord.

4 commentaires:

  1. Des buissons de ? et un saule, me dit ma soeur qui connaît ça. Moi moins, mais d'accord pour le saule. Faudrait des feuilles pour être sûrs.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Alors c'est un saule stoïque, parce qu'il ne pleure pas. (Je croyais que tous les saules pleuraient.)
      Quant à aller chercher des feuilles, l'île est à 200 m et plus de la rive et il faudrait tenir compte du «swift current» qui prévaut (cf. fig. 7).

      Supprimer
  2. Si réellement y'avait un/des pins (ou n'importe quel conifère), sur l'ile, je dirais que ça implique que le niveau de l'eau était pas mal plus bas, de façon à ce que son terreau ne soit pas emporté à chaque printemps?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Commentaire qui me semble plein de bon sens. La fig. 6 le laisserait d'ailleurs supposer : je n'ai jamais vue l'île aussi haute ni avec des berges aussi escarpées. Cependant, si l'eau baissait autant aujourd'hui, l'île serait plus large que sur la peinture. Le peintre a peut-être pris quelques libertés artistiques, ou alors l'île a été rabotée... Les photos du XIXe s. montrent l'île semblable à ce qu'elle est de nos jours, plate et plus ou moins émergée.

      Supprimer