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mercredi 16 octobre 2013

Le cratère d'Holleford


Fig. 1. Bord du cratère d’Holleford, au nord de Kingston (Ontario). Le marais au loin occupe le centre de la structure. Photo prise du chemin Holleford, visée vers le NW. Quelques pensifs ruminants ajoutent, si besoin était, au caractère bucolique de la scène.


Résumé
Illustration et description du cratère d'Holleford, au sud d’Ottawa, creusé par un météorite tombé il y a environ 550 millions d’années. Peu connu, le cratère attendait depuis longtemps sa place dans ce blogue.
Localisation
Chemin Holleford, à l'est de la route 38, en Ontario, 120 km au sud-ouest d'Ottawa, 30 km au nord-ouest de Kingston. Le cratère ne peut être examiné que du chemin Holleford qui recoupe ses bords au sud et à l’est, le centre de l'astroblème étant marécageux.
Coordonnées
44.459944,-76.632299

Sauf indication contraire, photos du billet : 13 octobre 2013. 


Il y a entre 450 et 650 millions d'années (Ma), un météorite de près de 100 m de diamètre a percuté le Bouclier canadien. L'impact, et l'explosion qui en a résulté, ont creusé un cratère profond de 770 m et large de 2,4 km (Rondot ; 1995, p. 105). 

Le cratère d'Holleford, près de Kingston, en Ontario, reste peu connu. Le cratère lui-même n'est pas visible et sa présence ne se trahit que par une dépression circulaire large de 1,5 km et profonde de 30 m, occupée par des marécages, des bois et des champs. Il a fallu disposer de photos aériennes pour que l’on remarque cette structure, en 1955, et qu’on s’y intéresse (voir fig. 2a,b).


Fig. 2a. © Google. La structure circulaire du cratère d’Holleford se discerne nettement du haut des airs. À droite (à l'est), le lac Knowlton. La ligne blanche souligne les sections du chemin Holleford où les photos qui illustrent le billet ont été prises.


Fig. 2b. Cratère d'Holleford (Andrieux et Clark ; 1969). Grand cercle blanc : limites externes du cratère d'impact. La dépression circulaire actuellement visible (fig. 1 et 2a) s'inscrit à l'intérieur de ce cercle.


L'impactite

Des forages ont révélé en profondeur la présence d'une brèche d’impact (débris rocheux fracturés et pulvérisés) dont l'accumulation atteint 300 m au centre du cratère. Elle est formée de fragments anguleux de la « roche cible » – principalement des gneiss du Bouclier canadien – flottant dans une matrice de matériel plus fin. On y a retrouvé de la coésite, variété de quartz qui se forme sous des pressions impossibles à atteindre à la surface du globe, sauf cas d'un choc colossal entre tous, comme, justement, l’impact d’un météorite. (Les termes en gras sont repris dans la coupe du cratère, fig. 4.)


Le sable et le lac

La suite de l'histoire est plus sereine. L'érosion a détruit les remparts du cratère tandis que l'eau douce occupait la dépression. Par l'étude des sables (arénites lacustres) finement laminés (rythmites) qui ont rempli le cratère en recouvrant la brèche d'impact, on a pu déterminer que le climat de l'époque était subtropical à tempéré. Quelques discrètes couches d'argile, indice d'une sédimentation en milieu non perturbé, indiquent qu’il arrivait que la surface du lac gèle, isolant ainsi la masse d’eau de l’influence de l’extérieur. Les arénites se sont à la longue cimentées en grès.


Le calcaire ordovicien

Au Paléozoïque, un calcaire marin (Ordovicien moyen ; 465 Ma) est venu recouvrir le cratère. Le tassement des sédiments lacustres et de la brèche sous ce nouveau poids explique l'attitude des strates du calcaire qui penchent vers le centre de la dépression. Le « cratère » que nous observons n'est donc pas le cratère originel, enfoui sous les sédiments et l'impactite, mais la marque en surface de sa présence souterraine.

Un indéniable charme se dégage du site. C'est peut-être dû à l'horizon bas, aux placides vaches que le va et vient des amateurs d'astroblèmes laissent absolument indifférentes. C'est peut-être aussi le paisible accord des champs et des marécages de notre époque avec une topographie vieille de 500 Ma. Une sorte de palimpseste entre le passé lointain et le présent.


Et le grès de Nepean ?

La présence de grès de Nepean (Cambro-ordovicien, env. 500-470 Ma) dans les environs du cratère vient compliquer la stratigraphie. L’avancée de la mer sur le continent ayant été accompagnée de la déposition du grès puis du calcaire à mesure qu’elle s’approfondissait en progressant sur le continent, une couche de grès de Nepean aurait dû se trouver sous le calcaire ordovicien, en contact avec les arénites du cratère.

Aucune trace du grès de Nepean ayant été relevée dans la brèche, ni dans les carottes de forage, certains supposent que la météorite a tout simplement vaporisé sous elle la couche de grès qui recouvrait le Bouclier canadien*. Le calcaire se serait déposé après l'épisode lacustre, alors que l’érosion avait démantelé les remparts du cratère** et nettoyé la contrée des débris répandus autour de l’enceinte.

Le cratère a donc pu se former à la fin de la sédimentation du grès, avant le dépôt du calcaire de l'Ordovicien moyen. L'âge du cratère d'Holleford serait donc d'environ 465 Ma.

* Des textes sur le cratère d'Holleford qualifient les arénites lacustres de grès (sandstones), ce qui n'est pas faux : ne pas le confondre cependant avec le grès de Nepean, d'origine marine, et qui ne se retrouve pas dans le cratère.
** Des débris des remparts recouvrent en effet la brèche d'impact.


Les gens du coin sont fiers de leur cratère (fig. 7a,b). Toutes les personnes à qui nous avons parlé ont pu nous en indiquer le chemin ou nous ont spontanément abordés pour nous en parler.


Fig. 3. Chemin Holleford, vue vers l’est. Le chemin coupe le cratère au sud (voir fig. 2a). À partir du rebord du cratère, le terrain descend dans le cratère lui-même pour escalader le bord opposé au loin. Le terrain descend vers la gauche (le nord), vers le centre de la dépression. Le chemin épouse la topographie du site, qui date de l'Ordovicien.


Fig. 4. Coupe du cratère d'Holleford (Andrieux et Clark ; 1969). Les sources consultées n’employant jamais la même nomenclature, je dois adapter la légende :
Calcaire : calcaire (marin) (Ordovicien moyen, 465 Ma) ;
Sable : arénites lacustres transformées en grès ;
Shiste (sic) argileux : arénites lacustres transformées en grès argileux (shale, plutôt que schiste) ;
Profile (sic) du cratère : niveau supérieur de la brèche d’impact ;
Sous le «profil» : brèche d'impact et socle précambrien fracturé (Bouclier canadien).
[Non présent sur la figure mais affleurant à l'extérieur du cratère : grès (marin) de Nepean, Cambro-Ordovicien (500-470 Ma). À ne pas confondre avec le grès (lacustre) de l'intérieur du cratère.]


Fig. 5. Vue vers le SE depuis le chemin Holleford. Les pelouses en pente couvrent le rebord intérieur du cratère. Nous sommes bien dans son enceinte.


Fig. 6. Le cratère en un paragraphe et un panneau (et une langue). Ontario Heritage Foundation, Ministry of Culture and Communications.


Fig. 7a. Les gens du coin sont fiers de leur cratère.


Fig 7b. «Crater Farm – The Babcook». Article du Frontenac News sur l'histoire de la ferme : «Five generations at Crater Farm». (Note. – Ce qu'écrit le journaliste auteur de l'article sur le cratère est totalement fantaisiste.)


Fig. 8a. Angle est du chemin Holleford (voir fig. 2a), visée vers le sud, vers le rebord du cratère : le terrain monte par palier. Paraît-il que ça serait à cause de l’érosion en marches d’escalier des couches du calcaire Ordovicien. L’explication est ici (voir la dernière image du site). AJOUT 6 oct. 2018. - Le lien ne répondant plus, voyez la fig. 9.


Fig. 8b. Photo prise au même endroit que la précédente, vue vers le nord. Le terrain descend doucement et remonte au loin, sur l’autre bord du cratère.


Fig. 9 (ajout 6 oct. 2018). Le lien à la figure 8a ne fonctionnant plus, je vous propose celui-ci, http://craterexplorer.ca/holleford-impact-structure/, qui mène à un article de Charles O'Dale. Pour parer une nouvelle défaillance, j'en extrais ce schéma. Il explique le profil irrégulier de la route à la figure 8a par érosion en palier des couches de calcaireEroded Strata East of Centre ») dans la partie SE du cirque formé par le cratère. (Le reste de l'article de O'Dale vaut la lecture aussi.)


Références

  • P. Andrieux et J.F. Clark, 1969 – «Application des méthodes électriques de prospection à l’étude du cratère d’Holleford». Revue canadienne des sciences de la Terre, vol. 6, p. 1325-1337.
  • Jehan Rondot, 1995 – Les impacts météoritiques à l’exemple de ceux du Québec. Publications MNH inc., Beauport (Québec), 158 p.
  • Brian E. St. John, 1968 – «Paleolacustrine arenites in the Holleford meteorite crater, Ontario». Revue canadienne des sciences de la Terre, vol. 5, p. 935-943.

Ajout (18 oct. 2013)

Le cratère du Nouveau-Québec (Pingualuit), aux proportions semblables à celles du cratère d'Holleford, donne une idée de l'allure qu'avait celui-ci pendant son épisode lacustre.


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