dimanche 30 décembre 2012

Hors sujet : le monstre du lac Blue Sea


Voir la suite dans le billet du 4 août 2020.


Un mien vieux dessin datant de ca 1990. Portrait d'un cousin terrestre de Misiganebic ?


C'est en discutant avec un ami des évanescentes cavernes de la rivière des Outaouais que j'ai été amené à évoquer un autre des lancinants mystères de la région, celui du montre du lac Blue Sea (voir ce récent billet).

Un ouvrage répertoriant les monstres lacustres de l'Amérique du Nord m'avait appris son existence il y a plusieurs années. Je n'avais pas acheté le livre, m'étant contenté de le feuilleter à l'étal des débarras d'un libraire, mais je me souviens que des pêcheurs, à tel endroit du lac, éprouvaient, lorsque le vent se levait, une drôle d'impression, qu'il s'entendaient à décrire comme désagréable.

Comme il ne faut jamais dire à un monstre qu'on doute de son existence – ils sont si susceptibles –, je n'épiloguerai pas.

Un petit tour dans Internet m'a au moins appris le nom de la créature. J'ai pu aussi récolter quelques renseignements sur son pedigree.


« La légende de Misiganebic

Selon la légende, un monstrueux animal serpentiforme à tête de cheval habiterait dans ce lac. Vraisemblablement aperçu par plusieurs personnes entre 1913 et 1930, cet hippocampe exceptionnellement long, grand et rapide n'aurait plus donné signe de vie depuis, sauf vers 1980 dans le réservoir Baskatong, situé beaucoup plus au nord. [...] Selon des Algonquins de Maniwaki, ce monstre, baptisé Misiganebic ou Grand Serpent, est l'ami des eaux, le nettoyeur de l'onde
(Extraits du site de la municipalité de Blue Sea). »



Un «animal serpentiforme» peut-il être autre chose que monstrueux ? Cet éboueur ophiomorphe reste un peu inquiétant, même s"il s'est trouvé des gens assez téméraires pour lui consacrer une pièce de théâtre : « Le Misiganebic retrouve la joie de vivre ».

Pour éviter de terminer cet exposé en queue de serpent, voyez également GrandQuébec.com pour un exposé plus objectif :

« L’apparition de cette créature reptilienne n’est pas cantonnée à un seul lac. En effet, les résidents l’ont signalées dans une dizaine de lacs, dont lac Blue-Sea [sic], lac des Cèdres, lac Bitobi, lac des Trente et un Milles, lac Désert, lac Pocknock, lac Deschênes, aux portes d'Ottawa et même dans l’énorme réservoir Baskatong. »

Le lac Deschênes, tronçon lacustre de l'Outaouais, baigne en effet la partie ouest de Gatineau (et. incidemment, d'Ottawa). D'épaisses couches d'argile silteuse recouvre le lit de la rivière – ou du lac – à cet endroit. Nous en déduirons donc que Misiganebic est un serpent d'eau, certes, mais aussi un serpent d'eau trouble.

Et ce sera mon dernier mot de l'année qui se termine sur une histoire de pêche et une variante toute locale de l'histoire de Nessie...

PS. – Bonne année.

vendredi 28 décembre 2012

Chutes des Chaudières : «rendre à la merveille...»


Les chutes des Chaudières, 1879, à Hull (Gatineau), sur l'Outaouais. Si les chutes elles-mêmes sont bien rendues, 
les collines montrent un profil beaucoup trop acéré ; nos précambriennes éminences ont des
silhouettes plus douces.


Les chutes des Chaudières sur l'Outaouais, déjà invisibles en 1879...

Merci à Roger Latour (Flora Urbana) de m'avoir signalé cet ouvrage.

Texte et image tirés de : Lamothe, Henri de (1843-1926). Cinq mois chez les Français d'Amérique : voyage au Canada et à la Rivière Rouge du nord. Hachette (Paris), 1879.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k408947t



«... à rendre à la merveille [...] toute sa beauté primitive...»


jeudi 27 décembre 2012

Chutes des Chaudières : origine (suite)


Ce billet s'est trouvé faire double emploi avec celui du premier janvier 2013 qui offre une sorte de synthèse sur la question de l'origine des chutes des Chaudières. J'ai donc supprimé la majeure partie de son contenu pour éviter des redites. Je vous invite plutôt à aller consulter la synthèse qui le remplace.


Titre original : Plan of the Lower Village of Hull, shewing its position relative to the city of Ottawa,
the property of the heirs of the late Ruggles Wright Esquire. Surveyed by A.W. Austin, C.E., 
P.L. Surveyor. W.C. Chewett & Co. Lith. Toronto. (1882). 
Bibliothèque et Archives Canada, no MIKAN 4126312.
(Pour télécharger le pdf depuis le site de BAC.)


Détail. Au centre, le tourbillon du trou du Diable («Devil Hole»).


Voir le billet du 17 mars 2013 concernant le Trou du Diable no bis.

samedi 22 décembre 2012

Hors sujet : souhaits




Certaines créatures ont besoin de neige pour survivre.

Regardez bien ce petit bonhomme. 

Lisez sur ses lèvres et voyez comme il est heureux de la neige tombée, 
de la neige accumulée et de la neige à venir.

Joyeux Noël et bonne année !


Bon, c'est peut-être pas le sourire de Mona Lisa, mais quand même...

mercredi 19 décembre 2012

Chutes des Chaudières : leur origine


Les chutes des Chaudières sur la rivière des Outaouais : à l'arrière-plan, au nord, Hull.
William James Topley (1845-1930), Chaudière Falls/Chutes de la Chaudière, ca. 1878-1882. 
Bibliothèque et Archives Canada, PA-012546.


La question de l'origine des chutes des Chaudières ayant été soulevée dans mon billet du 5 décembre 2012, je me suis vite tendu compte que ce genre de préoccupations n'obsède les géologues actuels. Il faut creuser les couches du savoir et exhumer de vieux textes pour espérer rapporter quelques renseignements à la lumière.

Les travaux les plus récents qui traitent de la question datent des années... 1910. Je ne parle évidemment pas de ceux qui ont repris ces textes par la suite dans leurs propres productions, comme je suis en train de la faire ici.

Un lit neuf (et accidenté) pour l'Outaouais
«[...] the main features of the bedrock topography [de la région d'Ottawa] are pre-Glacial in origin and were not greatly modified by glacial erosion (Johnston, 1917 ; p. 7)

Au Tertiaire (65 - 2,6 millions d'années), une longue période d’érosion a modelé les grands traits de la topographie régionale que les glaciations du Quaternaire se sont contentées de retoucher ensuite. C'est à cette époque que nous devons les cuestas – plateaux présentant une falaise abrupte au nord et une pente adoucie vers le sud – qui se dressent sur la rive droite de l'Outaouais, échelonnées de distance en distance à mesure que l'on s'éloigne du Bouclier canadien, au nord de Hull (Gatineau) :

«[The cuestas] are largely independant of the [local] faults and clearly owe their origin to differential weathering and stream erosion (Johnston, 1917 ; p. 8)

On sait que l’Outaouais, dans le secteur des Chaudières, coule sur un lit «tout neuf», inauguré après que les grandes glaciations soient venues perturber le paysage. L’actuelle rivière a commencé à tracer son chemin dans l’argile de la mer de Champlain, il y a 10 000 ans, avant de déblayer le till glaciaire sous-jacent et rebondir enfin sur un socle rocheux dénudé, mal adapté à l’écoulement paisible des eaux. D’où de multiples rapides et les chutes des Chaudières. (Voir mon billet du 5 décembre 2012, lien donné plus haut).

«The Ottawa river in the vicinity of Ottawa flows [...] at the base of the limestone escarpment fronting the old land to the north [Bouclier canadien], and occupies a post-glacial channel in the sense that the probable pre-glacial course of the Ottawa or its predecessor was several miles to the south, where well borings show the presence of a broad, deeply drift-filled valley*. The limestone escarpment, however, is believed to be for the most part pre-glacial in origin and due to stream erosion through a protracted period in pre-glacial times.

In post-glacial time it is probable that the Ottawa river has cleaned out and somewhat deepened the old valley in the vicinity of Ottawa, and the steepwalled gorge which extends for a short distance below the Chaudière falls is evidently due to post-glacial erosion (Goldthwait et al., 1913 ; p. 133)

* La question du lit original, ou pré-glaciations, de l'Outaouais est une toute autre histoire. Affaire à suivre.


Les chutes des Chaudières sur la rivière des Outaouais. (Sans date.)
À l'arrière-plan, le pont ferroviaire Prince-de-Galles, construit en 1880, 
et les îles qui suivent le tracé de la faille Hull-Gloucester.
William James Topley (1845-1930), Chaudière Falls/Chutes de la Chaudière, ca. 1878-1882. 
Bibliothèque et Archives Canada, PA-011378.


Les chutes reculent
«The principal fall in the Ottawa river occurs at Chaudiere falls at Ottawa where the water falls over a low escarpment of Trenton [Ordovicien] limestone. A series of narrow gorge-like channels below the falls, the largest one being occupied by the main volume of the river, shows the distance the falls have receded in post-Glacial time. The total distance is only about one-quarter mile [400 m]. The maintenance of the falls is owing to the well jointed character of the rocks which permits large masses to be separated by widening of the joints and finally to be worn away, leaving a still nearly vertical front over which the water falls. The general uniformity of hardness of the beds, however, has prevented a rapid recession of the falls (Johnston, 1917 ; p. 8-9).»

À l'ouest des chutes, la faille Hull-Gloucester – ou plutôt le faisceau de failles que l'on regroupe sous ce nom (voir mon billet du 5 déc.) – a plissé et redressé, sur les deux rives et les îles qui suivent son tracé, les lits autrement horizontaux du calcaire Trenton. Un rejet de 15 à 18 m a pu être mesuré*. Plus au S, le rejet de la faille Hull-Gloucester peut atteindre 550 m.

* Évitons tout malentendu ici. Ce n'est pas un rejet semblable qui serait à l'origine des chutes des Chaudières. Ces failles ont joué il y a bien longtemps – peut-être 100 millions d'années – et l'effet de l'érosion a été d'aplanir les différences de niveaux qui ont pu exister entre les compartiments de part et d'autre des fractures du socle rocheux.

Voir mon billet sur la failles des Allumetières qui doit appartenir à la «famille» de la faille Hull-Gloucester et qui présente, tout comme elle, un abaissement du compartiment NE.

Et la caverne ?
Aucun de ces textes ne parle de la fameuse caverne sous les chutes. J'en arrive à croire que ce n'est qu'une légende. Pourtant, Bouchette, qui, à défaut de la décrire, en a parlé (voir mon billet du 15 décembre 2012), était un arpenteur aussi sérieux que messieurs Goldtwaith, Johnston et Keele étaient de distingués géologues...


RÉFÉRENCES
  • W.A. Johnston, Pleistocene and Recent Deposits in the Vicinity of Ottawa, With a Description of the Soils. Commission géologique du Canada, Mémoires 101, 69 pages, 1917, avec carte 1662 (1/63 360).
  • J.W. Goldthwait, J. Keele and W.A. Johnston, Excursion A10. Pleistocene : Montreal, Covey Hill and Ottawa, in : Geological Survey, Guide book no.3, Excursions in the neighbourhood of Montreal and Ottawa (excursions A6, A7, A8, A10, A11), Ottawa : Government Printing Bureau, 1913, 162 p. (with maps).

NOTE. – Ce billet comportait une suite que j'ai supprimée puisqu'elle faisait double emploi avec le billet du premier janvier 2013 qui offre une sorte de synthèse sur la question de l'origine des chutes des Chaudières. Je vous invite à aller le consulter.

samedi 15 décembre 2012

Chaudières : les chutes et la caverne (ajouts + ajouts)


© Google Earth
Perle de la nature dans son écrin industriel. — Où ça, de l'ironie ?...
Chutes des Chaudières, à Gatineau (Québec). Le niveau de l'eau est très bas et les chutes n'ont rien
de spectaculaire. À droite, le pont des Chaudières, seul endroit d'où les chutes sont visibles, et encore,
du mauvais côté de la chaussée. (Voir billet précédent.)


Où mieux cacher une caverne que sous terre ? Ben, sous terre et sous l'eau, tout simplement.

Parce qu'il existe des cavernes dans l'Outaouais. Pas en Outaouais, mais bien dans l'Outaouais – la rivière, pas la région. (Ou dans ses affluents.)

Histoire d'être clair, je précise que je ne fais pas allusion ici à la bien famée (et en péril) caverne Laflèche, de toute façon loin à l'intérieur des terres, ni aux non moins fameuses cavernes de la rivière Bonnechère, affluent de l'Outaouais (Eganville, Ontario).

Commençons par les cavernes de l'île des Allumettes (lien, et lien), à l'ouest de Fort-Coulonge. [Voir également mon billet du 15 janvier 2013.]

Pensez, un treillis de couloirs creusé dans le lit calcaire de l'Outaouais, de multiples résurgences. Il y a la Three Island Cave (longueur : 6560 m) et la caverne Gervais (3910 m). Tout ça loge incognito, ou presque, sous notre nez. La documentation sur ce réseau souterrain existe, mais elle est difficile d'accès.

Notez que ces cavernes sont extrêmement dangereuses, même les plongeurs expérimentés sont invités à aller agiter leurs palmes ailleurs. Ça explique peut-être, dans ce cas, la discrétion de ceux qui savent. [Voir «Ajout», à la fin du billet.]

Autre exemple, les chutes des Chaudières à Gatineau (Hull), presque en face du Parlement d'Ottawa, dans un environnement urbanisé depuis le XIXe siècle. Plusieurs descriptions témoignent de la présence d'une caverne sous les chutes, qui absorberait une partie des eaux de la catatacte. (Voir mon billet «Pot-de-fleurs aux Chaudières».)

La meilleure description des chutes est celle de Joseph Bouchette (1832), le célèbre arpenteur. Son métier l'inclinait à la précision et à la juste mesure dans le choix des mots et dans l'expression («Ottawa» : rivière des Outaouais) :

«Above the falls the river is about 500 yards [455 m] wide, and its scenery is agreeably embellished by small grove-clad islets, rising here and there amidst the waters as they gently ripple by or rush on with more or less violence, to the vortex of the Great and Little Chaudière. The bed of the river is composed of horizontal strata of limestone, and the chute is produced by its deep and sudden subsidence, forming broken, irregular, and extraordinary chasms, one of which is called the Great, and the other, the Little Kettle or Chaudière. The former derives its name from its semicircular form and the volume of water it involves; but the latter bears no similitude to justify its appellation, the waters being precipitated into a broad, elongated, and straight fissure, extending in an oblique position north-west of the Great Kettle, and being thus strikingly contrasted with it.

The principal falls are 60 feet [18 m] high, and their width is measured by a chord of 212 feet [65 m]. They are situated near the centre of the river, and attract by their forcible indraught a considerable proportion of the waters, which, strongly compressed by the circular shape of the rock that forms the boiling recipient, descend in heavy torrents, struggling violently to escape, and rising in spay-clouds which constantly conceal the lower half of the falls, and ascend at irregular intervals in revolving columns much above the summit of the cataract.

The Little Chaudière may without much difficulty be approached from the Lower Canada shore, and the spectator, standing on a level with the top of the fall and on the brink of the yawning gap into which the floods are headlong plunged, surveys the whole length of chute and the depths of a cavern. A considerable portion of the waters of the falls necessarily escapes subterraneously after their precipitation, as much greater volume is impelled over the rock than finds a visible issue. Indeed this fact is not peculiar to the Little Chaudière, but is one of those curious characters of this part of the Ottawa of which other singular instances are observed; the waters in various places being swallowed by deep but narrow rents and fissures, leaving their natural bed almost dry, to dash on through some subterranean passage that defies the search of the explorer.» (Cité dans : Francine Brousseau, Historique du nouvel emplacement du Musée national de l'Homme à Hull*, Musée nationaux du  Canada, coll. Mercure, Histoire no 38, Ottawa, 1984, p. 11 et 15 ; c'est moi qui ai engraissé des passages.) [17 févr. 2013 : j'ai rétabli quelques coquilles d'après un pdf du texte original : J. Bouchette, The British Dominions in North America [...], p. 191-192.]
* Nom, à l'époque, du Musée canadien des civilisations (Musée canadien de l’histoire) ; Hull fait partie à présent de Gatineau.

Déjà que les chutes des Chaudières, qu'on a trouvé le moyen de rendre pratiquement invisibles depuis toutes les rives de l'Outaouais, sont des chutes occultées, sinon occultes (voir mon précédent billet), voici qu'on apprend qu'il y a un second secret, sous les eaux...

Bouchette affirme que l'eau, à plusieurs endroits de la rivière, disparaît, engloutie par des failles (ou diaclases), laissant le lit presque à sec. Est-ce que quelqu'un pourrait avoir l'amabilité de m'en apprendre sur ce phénomène, sans équivalent (?) aujourd'hui ? La construction de barrages a-t-elle modifié à ce point le caractère de l'Outaouais ?

Voir mon billet du 13 mars 2013 pour découvrir le témoignage de Hunter (1855) qui corrobore celui de Bouchette.


Oui, n'empêche qu'aujourd'hui, il ne reste plus rien à découvrir le long de l'Outaouais, me direz-vous.

Que penser alors du karst* du ruisseau Cardinal, à Orléans, quartier est d'Ottawa. On l'a découverte seulement en 1991.

* Karst, n.m. – «Région de formation calcaire caractérisée par la prépondérance du drainage souterrain et par le développement d'une topographie originale due à la corrosion de la roche (grottes, gouffres, résurgences, etc.).»

Toutes ces cavernes sont situées dans un calcaire datant du Paléozoïque (Ordovicien, 488-444 Ma) – ce doit être le cas aussi des «failles» de Bouchette, mais en l'absence de plus amples précisions, je ne peux rien affirmer – roche sujette aux phénomènes karstiques. (La caverne Laflèche est dans un marbre grenvillien ; un marbre étant un calcaire recristallisé, il est, comme cette roche, sujet à karstification.)

La naissance de la caverne Laflèche remonte à l'époque où les glaces occupaient encore le territoire et son développement se serait poursuivit après leur départ. Les cavernes de l'île aux Allumettes ont été creusées par les eaux sous glaciaires (Schroeder, 2004) tandis que celles de la rivière Bonnechère se seraient formées après les glaciations (Ford, 1961)


Les chutes des Chaudières à sec, ou presque (ca 1867*).
À l'arrière-plan, au nord, Hull (Gatineau).
William James Topley / Bibliothèque et Archives Canada, PA-027949.
* 1870, plutôt ? Voir la section «Les chutes à sec», plus bas.


AJOUT (16 décembre 2012).   Il suffit de mettre en ligne un bilet à moitié cuit comme celui-ci pour se rendre compte le lendemain que la documentation ne manquait pas, qu'on l'avait sous la main, mais qu'on ne l'avait tout simplement pas lue.

Gordon (2005, p. 23-29) parle (brièvement) des cavernes de l'île des Allumettes, mais sans les situer ni les nommer. Leur découverte remonterait aux années 1970.

Je résume ici son déjà court texte :

Le réseau des couloirs s'étend sur plus de 11 km et certains passages atteignent 30 m de large. La boue obstrue peu ou prou beaucoup d'entre eux et il n'est jamais assuré que le passage que l'on se dégage en progressant ne se refermera pas derrière soi. Le courant, très fort par endroit, oblige les plongeurs, comme les alpinistes, à se lier en cordée. Les conséquence d'une rupture de câble sont fâcheuses. «To break free of this tether would have meant a cold and terrifying death in the inky blackness beneath the riverbed (p. 25)

Tout pour rassurer les plongeurs timorés...

Cinquante tonnes de billes de bois qui bloquaient un accès furent retirées durant une fin de semaine.

En fait, plusieurs cavernes auraient déjà été repérées le long de l'Outaouais ; à Buckham's Bay (Ottawa), près d'Orléans (notre karst du ruisseau Cardinal ?), de Rockland et du canton de Plantagenet. Et le gros des découvertes serait à venir !

Les pages que consacre Gordon à ces cavernes ne sont signalée ni dans la table des matières ni dans l'index de son livre. Ce qui explique en partie qu'elles sont passées inaperçues, tout comme les cavernes qu'elles évoquent plus qu'elles ne les décrivent, d'ailleurs.

Un ami se demande s'il n'existe pas une «omerta de la spéléo». Je commence à le croire. Si c'est pas volonté de tenir les curieux loin de sites dangereux et/ou fragiles, on comprend.


AJOUTS (20-21 et 23 décembre 2012). — Je sens que la crédibilité de mon blogue va en prendre un coup. J'en suis à piocher dans les histoires de pêche :

«A few hundred feet east of the Great Chaudière, a portion of the waters of the Ottawa falls into a weird and mysterious chasm in the rock, known as the ''Devil's Hole.'' One marvel connected with the place is the popular belief that it is a bottomless pit, and another is the fact that anything thrown into the hole disappears, or only appears again two miles [3,2 km] down the river, where there is an intermittent upheaval of the waters near the mouth of the Gatineau. An old resident has told the writer that he remembers boys fishing in the hole with 180 feet [55 m] of line and sinkers two pounds [4,4 kg] in weight, and catching huge channel catfish. He also stated that when the mills were being built at this point, a horse and cart fell into the hole and disappeared. The cart was thrown up at the usual outlet down the river, but the poor horse was never seen again - the theory being that the catfish were too many for him. The mills have profanely crowded over the edge of the Devil's Hole, and the subterranean outlet has probably been almost closed by the broken fragments of rock and debris thrown in from the blasting out of artificial channels. Yet any passer-by can still look down from the roadway on the Hull side of the bridge [pont des Chaudières], and see the waters foaming far below in the mysterious depths where the Indians believed an evil spirit dwelt (J.D. Edgar, 1898, p. 6-8)


Pour le «Devil's Hole», ou trou du Diable, voir plus bas, ainsi que mon billet du 27 décembre 2012 (dernière image).

Les chutes à sec
Selon Boutet (1971), il est arrivée plusieurs fois que le niveau de la rivière soit assez bas pour que les chutes se rerouvent à sec, ou presque (photo ci-haut). Le fait se serait produit en 1870 (voir photos de W.J. Topley) et 1882.

«Depuis le début du siècle [le XXe s.], on a pu traverser à pied sec sur la crête de la chute en quatre circonstances au moins, en 1900 [sic], en 1906, en 1908 et en 1909 (Boutet, p. 51)

L'historien Pierre-Louis Lapointe a, en quelques lignes, très bien résumé les diverses descriptions qu'on nous a laissées des chutes des Chaudières. Il parle du «passage souterrain» comme d'une évidence avérée :

«Car il s'agit bien de trois chutes d'eau; la Grande Chaudière, la Petite Chaudière et le trou du Diable, surtout, dont les eaux, emprisonnées dans un repli escarpé de la rivière, tournent sans fin, tourbillonnant et entraînant comme dans un entonnoir tout ce qui a le malheur d'être aspiré par son siphon. Un passage souterrain évacue ces eaux, qui surgissent plus loin, en aval, au fond de la rivière (Lapointe, p. 38)

Ce court texte m'a réconforté, moi qui avait l'impression de m'être lancé dans une version inédite de la chasse au monstre du Loch Ness. Lapointe et Bouchette n'étant pas des gens à prendre des Nessies pour des lanternes, je vais persévérer avec un peu plus d'espoir dans mes recherches.

À défaut d'une longue description, un simple plan avec, si c'est pas trop exiger, des vues en coupe et en plan, suffirait à mon bonheur. Il existe bien des cartes et des reproductions (aquarelles, gravures, etc.) des chutes datant du XIXe s., mais elles ne décrivent rien ; les descriptions de l'époque, quant à elles, ne sont jamais accompagnées d'illustrations, du moins bien légendées, de sorte qu'il subsiste toujours un soupçon de flou dans ces témoignages écrits et visuels. 

À suivre, donc.

(Tous ces ajouts, en plus de donner un aspect disparate à ce billet, l'ont étiré au delà du raisonnable. C'est l'inconvénient d'un blogue : multiplier les billets sur un sujet disperse les renseignements, gaver un billet déjà rédiger d'ajouts successifs oblige le lecteur à dérouler un papyrus virtuel de plusieurs mètres de long pour arriver au fin mot de l'histoire...)


Les chutes des Chaudières, par saison sèche (années 1870*). Les personnages sont 
sur l'une des îles qui forment une sorte de muraille au pied des chutes : voir ces îles 
à sec tandis que les chutes bouillonnent à gros bouillons n'a rien d'extraordinaire.
William James Topley / Bibliothèque et Archives Canada, PA-012523
* Ou plutôt 1870 exactement ? Voir texte plus haut.


RÉFÉRENCES
  • Edgar Boutet, Le bon vieux temps à Hull : Tome I. Éditions Gauvin (édité par la Société historique de l'Ouest du Québec), Hull, 1971, 170 p.
  • J.D. Edgar, The Story of... Canada & its Capital. Morang & Co. Limited, Toronto, 1898, 217 p.
  • Michael Gordon, Rock watching: Adventures above & below Ontario. The Boston Mills Press, 2005, 192 pages, ISBN 9781550464498
  • Derek C. Ford, «The Bonnechere Caves, Renfrew County, Ontario: A Note». Canadian Geographer, vol. 3, 1961, p. 22-25.
  • Pierre-Louis Lapointe, L'île de Hull : une promenade dans le temps. Coll. «100 ans noir sur blanc», Les Éditions GID, 2004, 206 p.
  • Jacques Schroeder, «Les cavernes : un patrimoine gravé par le temps», in : G. Prichonnet et M.A. Bouchard, Actes du premier colloque du Patrimoine géologique du Québec, Montréal, 8-9 septembre 2000, 2004, MB 2004-05, MRNFQ.
  • Schroeder Jacques et Desmarais Luc, «Morphologie et sédiments de la plus grande grotte du Bouclier canadien : la Caverne Laflèche, Québec», Ann. Soc. Geol. Belg., vol. 111 (1988), fascicule 1 (Sédimentologie karstique) : 173-182.

dimanche 9 décembre 2012

Chutes des Chaudières : invisible nombril


Chutes des Chaudières à Gatineau, sur l'Outaouais, depuis le pont des Chaudières. 
À l'arrière-plan, le barrage en forme de demi-cercle. 
Cette photo et les suivantes, 8 décembre 2012.


Histoire d'apporter un témoignage visuel contemporain à mon billet sur les chutes des Chaudières, à Gatineau, j'allais mettre en ligne ce message quand une fausse manœuvre en a effacé le contenu à jamais.

Plutôt que de le réécrire, j'en donne ici un résumé. En bref, j'y expliquais que les Chutes des Chaudières ne sont visibles que d'un seul endroit, depuis une courte section du pont des Chaudières, à partir du mauvais côté de la chaussée, le seul accessible aux piétons (et aux cyclistes prudents).


Le zoom nous donne une fausse impression de proximité. 
Nul pot-de-fleurs en vue...


J'y maugréais contre les mauvaises conditions météorologiques qui m'obligeaient à prendre des photos un jour d'hiver sous un ciel plombé.

On y apprenait aussi que l'aspect spectaculaire ou non des chutes sous le barrage qui les harnache dépendait du niveau de l'eau et du débit d'icelle que le dit barrage laissait s'écouler. On s'en serait douté.

Enfin, je déplorais que ces chutes, sorte de nombril autour duquel Gatineau et Ottawa s'étaient construites, était caché aux habitants des deux villes et aux visiteurs de passage. Pudique ombilic...

Aucune solution pour remédier à cet état de fait n'était proposée.


D'un autre angle ? C'est pas mieux... 
Photographier les chutes depuis le parapet semble la solution, mais le passage de fréquents 
poids lourds et l'étroitesse de la chaussée rendent cette entreprise quelque peu suicidaire.


En amont des chutes : l'arc de cercle du barrage (à gauche), 
les eaux calmes et plates de l'Outaouais transformées en réservoir. 
Au loin, sur l'autre rive, Ottawa, estompée et lointaine.


Évidemment, il y a des points de vue privilégiés...


Les chutes des Chaudières, emmurées et masquées, entre Gatineau (à gauche) et Ottawa (à droite), 
6 juin 2006. Le niveau des eaux était relativement bas, les chutes peuvent être beaucoup 
plus bouillonnantes. Le pont des Chaudières se reconnaît à sa superstructure peinte en vert. 

samedi 8 décembre 2012

L'AUTRE OUTAOUAIS - Lancement réussi


C'était le lancement jeudi dernier de L'Autre Outaouais : guide de découverte du patrimoine, de Manon Leroux.

J'en suis ressorti avec une brique de 608 pages entre les mains. Quand on parle de patrimoine, une brique n'est jamais de trop !


(Le site web de la Société Pièce sur pièce donne la liste des librairies où le livre est disponible.)


Couverture : La famille de Philemon Wright, guide amérindien en tête, 
en route vers Hull sur la rivière des Outaouais, hiver 1800, par Jacquie Jeanes.


On demeure ébahi quand on pense à la masse de documents et d'informations qu'il a fallu recueillir, assimiler et synthétiser pour rédiger cet ouvrage. C'est littéralement, l'Outaouais en détail et dans sa totalité.

«L'auteure Manon Leroux a parcouru l'Outaouais et rencontré de nombreux spécialistes de l'histoire locale, dont les témoignages sont venus s'ajouter aux sources existantes. Prenant la forme d'un guide touristique bien structuré, le livre est aussi une histoire de la région ancrée dans le territoire.» (Site web de la Société Pièce sur pièce.)

Un tel guide est réussi quand il ravi le grand public et réussit à surprendre le spécialiste. De ce point de vue, c'est réussi. Je me fonde sur les dires d'un spécialiste pour cette information. Déduisez-en que je fais partie de la cohorte des lecteurs ravis – ce qui ne m'a pas empêché d'être surpris à plusieurs reprises par ce que je découvrais !

Je n'en suis pas très loin dans ma lecture (je vais d'un chapitre à l'autre) et je viens tout juste de (re)découvrir le quartier où j'ai grandi (Val-Tétreau). Un bon livre est comme une bonne soupe ; une cuillerée suffit pour savoir que tout le chaudron est savoureux !

Bref, c'est un guide touristique avec de la profondeur : le territoire, le patrimoine bâti, l'histoire, les personnages... Des encadrés s'attardent sur des personnages, des événements, des faits de société.

On a pensé au bien-être et au confort du lecteur : un très pratique système d'annotations dans les marges facilite les sauts d'une section à l'autre pour suivre un thème et la description de chaque ville et village est précédée d'un «Qui ? Quand ? Pourquoi ?» qui cadre tout de suite l'information qui suivra.

«Aspiré par la capitale fédérale, l'Outaouais, au nord de la Grande Rivière, voit son passé s'estomper. Des traces en subsistent toutefois, plus nombreuses qu'on ne le croit, dans une contrée diverse et magnifique. L'autre Outaouais se veut une invitation à tourner le regard vers elles, à les débusquer, et à retisser le lien entre ville et campagne. Guide de voyage pratique mais aussi référence historique, il est un outil essentiel pour qui s'intéresse à l'histoire et à l'identité de la région, et offre des clés utiles pour la comprendre, la protéger et l'aimer.» (Site web de la Société Pièce sur pièce, lien plus bas.)

«Comprendre, protéger et aimer» : qui dit mieux ?


Le livre
Manon Leroux, L'autre Outaouais : guide de découverte du patrimoine, Société Pièce sur pièce et Société d'histoire de l'Outaouais, ISBN 978-2-9813528-0-4, 608 pages, 30 $

Le site web de la Société Pièce sur pièce donne la liste des librairies où le livre est disponible.

Voir cette entrevue avec Patrick Voyer dans La Revue (Info07) : «(Re)découvrir l'Outaouais de fond en clocher!».


mercredi 5 décembre 2012

Pot-de-fleurs aux Chaudières


Mise en page revue le 31 mai 2020. Menues retouches au texte.



Chaudière Falls, Philemon Wright's on the Ottawa, John Elliott Woolford, 1821 ; 14,9 x 23,8 cm, aquarelle [...] ; Musée des Beaux-Arts du Canada, no 23440 (lien). Un pot-de-fleurs, couronné de végétation, subsiste, tout droit à l'aplomb en aval des chutes.


Ce billet a une suite qui nuance certaines affirmations.

Il semble qu’il existait au début du XIXe siècle un pot-de-fleurs sur la rivière des Outaouais, en aval des chutes des Chaudières, entre les actuelles villes d’Ottawa et de Gatineau.

Pot-de-fleurs : pilier résiduel résultant du démantèlement d’une formation rocheuse par l’action érosive de l’eau et des vagues. Souvent, la végétation prend racine à leur sommet, d’où ce surnom. Les monolithes bien connus du parc national de l'Archipel-de-Mingan, au Québec, sont des sortes de pots-de-fleurs, la plupart chauves. (Voir aussi la Flowerpot Island, dans la Baie Georgienne, en Ontario.) Pour la justesse de ce terme dans ce contexte, voir aussi les commentaires à la fin du billets.

C’est en cherchant de vieilles représentations de la région de l'Outaouais dans Internet que j'ai découvert la thèse de Louise Nathalie Boucher, Interculturalité et esprit du lieu : les paysages artialisés des chutes des Chaudières (Univ. d'Ottawa, 2012), document qui m'a mené à une seconde découverte, celle de notre pot-de-fleurs local. Il apparaît sur deux aquarelles de John E. Woolford, réalisées en 1821 (Boucher, fig. 4 et 19, pages 44 et 89 ; l'une d'elles est reproduite au début de ce billet.)

Cette potiche fleurie a dû s'écrouler très tôt après l'exécution des aquarelles, puisqu'il semble n'en exister aucun autre témoignage, du moins à ma connaissance, pas même pour en rappeler l'existence. [Voir le billet du 8 juin 2014.]

Les chutes, hier...

« [...] Il y a quantité de petites îles qui ne sont que rochers âpres & difficiles [...] L'eau tombe à un endroit d'une telle impétuosité sur un rocher, qu'il s'y est encavé par succession de temps un large & profond bassin : si bien que l'eau courant là dedans circulairement, & au milieu y faisant de gros bouillons, a fait que les Sauvages l'appellent Asticou, qui veut dire chaudière [Le saut de la Chaudière]. Cette chute d'eau mène un tel bruit [...] qu'on l'entend de plus de deux lieues. Les Sauvages passant par là, font une cérémonie [...] » (Tiré des Voyages [...] de Champlain, 1613.)
« Le point le plus historique de l’Ottawa [de l’Outaouais] est sans doute la chute de la Chaudière. [...]
Le premier saut se nomme la grande Chaudière d’après la forme de l’endroit où l’eau se précipite. Juste au-dessus de celle-ci, l’eau se contracte dans une passe étroite et le courant devient très rapide. Plusieurs îles obstruent le passage et la rivière prend une apparence formidable, l’eau bondissant de rocher en rocher après avoir passé par-dessus un mur de roc qui semble fermer la rivière à cet endroit. La plus grande partie de l’eau passe et tombe d’un rocher, qui a la forme de deux tiers de cercle, dans un gouffre qui a plus de trois cents pieds [90 m] de profondeur. À l’extrémité nord se trouve comme une caverne (1) formée dans le roc du rivage et nommée petite Chaudière ou trou du diable ; l’eau y coule dans un souterrain pour sortir plus loin dans la rivière. Du côté sud s’écoule un peu d’eau par le Chenal perdu. Aujourd’hui les usines qui y sont construites de chaque côté masquent et défigurent la beauté de cette chute si vantée par les anciens voyageurs (2). » (Lucien Brault, Ottawa : capitale du Canada de son origine à nos jours. Les Éditions de l’Université d’Ottawa, Ottawa, 1942, p. 32-33.)
(1) Cette intrigante caverne, signalée encore dans un autre témoignage qui suit immédiatement, n’a jamais été décrite, à ce que je sache.
(2) La rive ontarienne a été aménagée depuis la parution de ce texte, sans rendre les chutes mieux visibles.

« ‘‘À la fonte des neiges [relate Henry (3)] ou au cours des périodes de pluie, un remous, une accumulation d’écume, à un endroit particulier du gouffre, m’ont fait soupçonner l’existence, dans le fond, d’une ouverture par laquelle l’eau se fraie un passage souterrain.’’ Ce passage souterrain où l’eau s’engouffrerait pour retourner à l’Outaouais un peu plus bas, en a intrigué plus d’un. Un homme y aurait même été englouti pour en ressortir vivant et raconter son aventure (4).
Henry attribue le nom de chaudière à la poussière d’eau qui se dégage de la chute sous forme de nuage, comme la vapeur d’une bouilloire. ‘‘Son nom est motivé par le brouillard, la vapeur, qui s’en dégage,’’ dit-il. Il appelle la chute ‘‘the great kettle’’, littéralement la grosse bouilloire, le gros chaudron. C’est d’ailleurs ce que voulait dire le nom indien d’Asticou, que Champlain n’a fait que traduire quand, s’arrêtant à cet endroit, il lui a donné le nom de Chaudière.
Le chevalier de Troyes [en 1686] nous fournit une autre explication de ce toponyme. Il faudrait l’attribuer, selon lui, à la présence d’un trou en forme de chaudière qui se serait creusé avec le temps sous l’action de l’eau tombant sur les rochers(5). Citons ce passage du journal de l’expédition à la baie d’Hudson : ‘‘… portage de la Chaudière que les voyageurs ont ainsi nommé, parce qu’une partie de la rivière qui tombe parmi une confusion affreuse de rochers, se jette dans un trou d’une de ces roches faite en forme de chaudière dont l’eau s’écoule par dessus.’’ » (Guillaume Dunn, Les forts de l'Outaouais. Éditions du Jour, Montréal, 1975, p. 76-77.)
(3) Alexander Henry, Travels and Adventures in Canada and the Indian Territories between the Years 1760 and 1776, cité par Dunn.
(4) Revoici cette caverne, toujours aussi énigmatique. On sait qu’il existe des cavernes dans le lit de l’Outaouais, beaucoup plus en amont, près de l'île aux Allumettes, dont la formation remonterait à la dernière glaciation. À propos de celle des chutes des Chaudières, on en dit pas grand mot : la région est pleine de ces choses à peine décrites que déjà oubliées... [Voir le billet du 15 décembre 2012 à propos de ces cavernes.] Quant à l'anecdote de l'homme rescapé de son passage dans la caverne, sorte de Jonas après la lettre, qu'il me soit permis d'exprimer mes doutes...
(5) S'agirait-il d'une... marmite ? [Voir mon billet sur la marmite des Allumettières.]

... et aujourd'hui

Harnachées, environnées par des installations industrielles vétustes, les chutes sont peu visibles, de la rive gauche comme de la rive droite de l'Outaouais. L'hémicycle formé par le barrage en ferme la vue depuis l'amont et les côtés ; en aval, une vue platement frontale est possible entre des poutres d'acier, depuis le pont des Chaudières, lieu peu propice à l'observation. [Voir le billet du 9 décembre 2012, « Invisible nombril ».]

Les chutes des Chaudières, autrefois splendides, aujourd'hui domptées et cachées...

Un peu de géologie cassante

Une faille d’importance régionale, la faille Hull-Gloucester, coupe les calcaires ordoviciens env. 1 km en amont des chutes des Chaudières, du NW vers le SE. Tout le secteur est d'ailleurs traversé par des failles secondaires, d'orientation diverses. Aucune cependant ne semble expliquer la dénivellation des chutes des Chaudières, ni le « profond bassin » décrit par Champlain.



Carte : Wilson, A E, 1938, Ottawa Sheet, East Half, Carleton and Hull Counties, Ontario and Quebec. Commission géologique du Canada, Carte 413A, 1 feuille (1/,63 360) doi:10.4095/107511.
Géologie d'une partie de la ville de Hull (aujourd'hui Gatineau), au Québec, et d'Ottawa, en Ontario.
Les couleurs et les nombres renvoient aux différentes variétés de roches sédimentaires du Paléozoïque (calcaire, shales, grès) qu'il est inutile de détailler ici. Les minces lignes ondulées représentent des failles. La plus importante, la faille Hull-Gloucester, traverse le secteur du NW vers le SE à l'extrémité ouest de la carte ; elle passe entre les « Little Chaudière Falls » et les « Chaudière Falls » (en haut, à gauche) et du lac Dow (en bas, au centre). L'astérisque noir est placé au pied de la Colline du Parlement, près des écluses du Canal Rideau. Faut-il préciser que la rivière en haut est la rivière des Outaouais et que le courant s'écoule de la gauche vers la droite ?...



...
© Google Map 

La carte de Wilson (1938) et une vue moderne, par satellite, du secteur des chutes des Chaudières.
GC : Grande Chaudièere, sous le barrage en hémicycle ; PC : pont des Chaudières. La construction du pont Union (nom originel) a probablement causé la perte du pot-de-fleurs. Voir le billet du 8 juin 2014.


[Ajout, 19 déc. 2012 : le rôle de ces failles est à revoir dans un contexte plus large. Affaire à suivre... En attendant, voir mon billet du 19 décembre sur l'origine des Chutes.]

On sait que l’Outaouais, dans le secteur des Chaudières, coule sur un lit « tout neuf », inauguré après que les grandes glaciations soient venues perturber le paysage. L’actuelle rivière a commencé à tracer son chemin dans l’argile de la mer de Champlain il y a 10 000 ans et s’écoule par endroits directement sur un socle rocheux dénudé, mal adapté à l’écoulement paisible des eaux. D’où de multiples rapides et les chutes des Chaudières.

Pour terminer, la terminologie...

On pourrait chicaner à propos de l'appellation pot-de-fleurs que je donne au pilier de calcaire représenté au centre de l'aquarelle de Woolford. Peut-être n'est ce qu'un trognon d'île, mais aucun lexique géomorphologie ne relève cette expression...

À ma connaissance, les aquarelles de Woolford reproduite dans Boucher (2012) sont les plus anciennes représentations des chutes des Chaudières qui existent (affirmation à vérifier) et aucune de celles qui lui sont postérieures (toujours à ma connaissance) ne montre ce pot-de-fleurs solitaire. Les quelques recherches que j'ai faites pour trouver d'autres représentations de cette formation et, ainsi, pouvoir mieux estimer l'époque de sa disparition. n'ont rien donné. Affaire à suivre... [Voir le billet du 8 juin 2014.]

AJOUT (6 décembre 2012). – Roger Latour, de Flora Urbana, s'est permis (quelle audace) de « laver » l'aquarelle de Woolford, pourtant propriété de Sa Gracieuse Majesté et entreposée dans son Musée des Beaux-Arts. Le résultat, comparé à ce qu'une octogénaire espagnole a fait à la figure du Christ, est plein de respect et d'un professionalisme indéniable !



Woolford (1821), revu par Latour (2012).



Henry DuVernet, Vue du moulin et de la taverne de Philemon Wright aux chutes des Chaudières, à Hull, sur la rivière des Outaouais, Bas-Canada, 1823. (Bibliothèque et Archives Canada, 1989-402-1) Le bâtiment au clocheton sur le toit est visible à l'arrière-plan de l'aquarelle de Woolford. [Voir, dans les Commentaires, la précision apportée par Louise N. Boucher.]

samedi 1 décembre 2012

Le radon à Gatineau


Ça m'avait échappé, et j'ai d'autant moins d'excuse que c'est quelque chose de très intéressant, du moins important par ses implications.

En novembre 2011, la Gatineau Valley Historical Society (GVHS) présentait une conférence de Donald D. Hogarth sur le radon et la radioactivité (uranium et thorium) dans la vallée de la Gatineau :

Radon in the Gatineau (November 2011 GVHS Event) - pdf 1.9 MB
Handout from Dr. Don Hogarth, geology professor and author, who spoke to GVHS members and friends about radon and radioactivity in the Gatineau Valley. Includes detailed maps.


Donald D. Hogarth, professeur de géologie de l'Université d'Ottawa à la retraite, est l'auteur de nombreux travaux sur la région qui sont d'ailleurs souvent cités dans ce blogue.

Il est trop tard pour la assister à l'événement, mais il nous reste la possibilité de consulter le pdf de la conférence (lien plus haut). Il contient une carte de la région Gatineau - Wakefield où les terrains sont répartis en 4 catégories selon leur degré de radioactivité :

En gros, si je résume, les roches du Paléozoïque (calcaires, grès) le long de l'Outaouais sont «non radioactives» ; le Bouclier canadien (Protérozoïque) est partout «faiblement» à «modérément radioactif», ce qui ne surprendra personne. Les zones «très radioactives» sont éparses à travers le territoire.

Remarquez qu'il est au-delà de mes capacités d'appréhender avec exactitude ce que signifie exactement ici les adverbes«faiblement», «modérément» et «très»...

Les roches qui présentent les taux de radioactivité les plus élevés sont une trachyte, des lamprophyres, des fénites/carbonatites et certaines intrusions granitiques. Les gneiss, marbres et quartzites (la matière même du Bouclier canadien) appartiennent surtout aux roches faiblement radioactives.


À propos du radon

«Le radon est un gaz radioactif d’origine naturelle. Il est sans couleur et sans odeur. Il provient de la désintégration de l’uranium, un élément chimique présent dans la croûte terrestre. Les concentrations de radon varient d’une région et d’une localité à l’autre.
Le radon se retrouve dans l’air tant à l’extérieur de bâtiments, qu’à l’intérieur. À l’extérieur, les concentrations de radon sont très faibles. Cependant, à l’intérieur, le radon peut s’accumuler et atteindre des concentrations pouvant, à long terme, être néfastes pour la santé.
Le radon peut s’infiltrer dans les bâtiments par les fissures dans la fondation, les vides sanitaires et les entrées de canalisations. Comme il est plus dense que l’air, ce gaz peut s’accumuler dans les parties les plus basses ou mal ventilées d’un bâtiment.»
(Santé Outaouais.)

«Un nouveau problème de radon dans les maisons fait surface à Chelsea, en Outaouais, où la présence de ce gaz dans l'eau inquiète les citoyens.» (Radio-Canada)