samedi 23 juin 2012

Cavernes et glaces


Photo © Jean-Louis Courteau, 2012. Entrée de la caverne de Morin-Heights.


Jean-Louis Courteau découvre des cavernes. (Bon, il ne fait pas que ça. Il est aussi peintre et photographe, il écrit (lien) et fait de la plongée sous-marine (lien), parle à l'oreille des requins (lien). Mais je m'en voudrais d'insister sur ces à-côtés de peur de déprimer mes lecteurs, déjà rares en nombres et qui se sentiraient aussi du coup bien rares en talents. Sans compter les atteintes à mon propre moral ! Retournons donc à la motivation géologique qui a conduit à la rédaction de ce billet.)

Comme je le disais, monsieur Courteau, entre autres, découvre des cavernes. Celle-ci par exemple (lien), près de Morin-Heights. (Claustrophobes et arachnophobes s'abstenir.)

Il s'agirait ici d'une (re)découverte, la caverne étant probablement déjà connue. Elle a été creusée dans un marbre semé d'inclusions résistantes à l'érosion. C'est une caverne active, c'est-à-dire que l'eau y circule toujours.

La photo au début du billet montre la perte (l'endroit où un cours d'eau s'engouffre dans la caverne) ; la résurgence, l'endroit où l'eau reparaît à l'air libre, «se trouve en bas de la montagne», dixit monsieur Courteau. Voyez l'opportunisme propre à l'eau qui cherche toujours la pente la plus facile. Quelle montagne me direz-vous ? Là, vous m'en demandez trop. Adressez-vous à l'inventeur (c.-à-d. le découvreur) de la caverne qui se montre plutôt avare en précisions topographiques... 


Photo © Jean-Louis Courteau, 2012. Caverne de Morin-Heights : le plafond est semé d'inclusions résistantes à l'érosion ; l'eau dissout le marbre, révélant peu à peu les «grumeaux» (granite, gneiss ou quartzite) plus tenances. 


La photo précédente nous montre, en confiné et sous un toit, l'équivalent de ce qui se passe à l'air libre sur les rives de la Gatineau (voir ces billets dans le présent blogue : lien général et lien vers un billet particulier) : l'eau dissout le calcaire cristallin (marbre), laissant les enclaves plus dures dont la roche est semée surgir peu à peu et se détacher (photo suivante).


Marbre semé d'inclusions que l'érosion par l'eau courante met au jour et libère peu à peu (clapier). Île Marguerite à Gatineau. Photo © Henri Lessard, juin 2010.


La caverne de Morin-Heights a quelque chose en commun avec la chapelle Sixtine : le meilleur est au plafond. Celui de la caverne a été ouvragé (ça se dit ?) par le clapotis (hypothèse personnelle). L'eau qui doit donc, à l'occasion, atteindre un niveau plus élevé et peut-être, de courts moments, remplir le conduit en entier.


Photo © Jean-Louis Courteau, 2012. Caverne de Morin-Heights : vue du plafond en marbre ouvragé.


Gatineau et Morin-Heights : naissance au frais
À Morin-Heights comme dans la région de Gatineau, c'est le même marbre grenvillien, vieux de plus d'un milliard d'années, que l'on rencontre (Géolo-chronologie). La caverne de Morin-Heights ne doit pas dépasser en âge la caverne Laflèche, au nord de Gatineau, la plus grande du Bouclier canadien, dont le développement remonterait à environ 25 000 ans – ce qui signifie qu'elles seraient nées toutes deux «au frais», sous la glace, durant la dernière glaciation (lien vers article sur la caverne Laflèche), par l'action d'eaux circulant à la base du glacier qui recouvrait le continent (inlandis).*


* NOTE, ETC.
Voir aussi, à propos de la caverne Laflèche et de l'origine de certaines autres cavernes du Québec, ce document :
  • Jacques Schroeder, «Les cavernes : un patrimoine gravé dans le temps», dans : G. Prichonnet et M.A. Bouchard (éd.), Actes du premier colloque du Patrimoine géologique du Québec, Ressources naturelles Faune et Parcs, Québec, MB 2004-05, 2004, p. 77-84.
Et, pour finir, un lien vers une description de la caverne Lusk, autre caverne active creusée dans le marbre, dans le parc de la Gatineau.


Photo © Jean-Louis Courteau, 2012. Caverne de Morin-Heights